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Un champion et des larmes

Malgré sa victoire sans contestation possible où il ne manqua pas à un saut avant sa première tentative à 6,07m, Renaud Lavillenie ne pouvait cacher son amertume après qu'on lui ait refusé la deuxième marque de l'histoire.


En ce dimanche après-midi de championnat d'Europe dans la salle de Göteborg, les français se sont largement retrouvés sur les devants de la scène. Quand Renaud Lavillenie passait la barre de 6,01m à son premier essai, Mahiedine Mekhissi remportait le 1500m pendant que le jeune Simon Denissel prenait la troisième place. Et quand le champion olympique du saut à la perche tentait des sauts à 6,07m, c'est Myriam Soumaré qui montait sur la troisième marche du podium. Malgré qu'il était encore dans son concours, il faisait tout de même attention aux prestations de ses amis "j'étais concentré sur mes sauts mais je préférais regarder la finale du 1500m qu'un saut de Bjorn Otto. J'étais tellement heureux pour Mahiedine, lui qui rencontre toujours les pires problèmes. Il le mérite et je n'ai pas hésité à aller le voir poir le congratuler. L'athlétisme est peut-être un sport individuel mais il n'en reste que la délégation française st une équipe qui se sert les coudes. Par contre je dois avouer que je n'ai pas regardé toute la course de Myriam. J'ai vu que la fin car j'étais trop dans ma bulle parce que ce que je m'apprêtais à faire pouvait être historique. Mais dès que j'ai pu, je suis allé la féliciter pour sa médaille" racontait l'auvergnat.

De toute l'histoire de l'athlétisme, a t-on déjà vu un vainqueur tombé en larmes autre que des larmes de joie ? Il faudrait fouiller dans les archives mais ça n'a pas dù arriver si souvent. Mais il s'agissait bien de larmes de déception que l'on retrouvait sur les joues du perchiste français. Pourtant, il devenait champion d'Europe indoor pour la troisième fois de sa carrière après 2009 et 2011 en dominant largement son concours. Avec cette victoire, Renaud Lavillenie parachevait une saison hivernale parfaite, la meilleure de sa carrière "je n'étais pas bien au début du mois de janvier mais j'ai vu que je prenais rapidement le dessus et plus les semaines avançaient, plus mes sauts étaient biens. J'ai tenu à enchaîner pas mal de meeting car selon moi, un titre en salle a autant de valeur qu'en plein air, il s'agit d'un évènement international qu'il faut gagner". Mais ce nouveau succès est dans la continuité d'une année 2012 très prolifique en titres. Depuis les derniers championnats du monde en plein air, à Daegu en août 2011, personne n'a réussi à lui enlever un titre majeur. En mars 2012, il devenait champion du monde indoor à Istanboul et son dauphin s'appelait Bjorn Otto au terme d'un concours de haute volée. En juin de la même année, il conservait son titre européen en plein air après un des plus beaux concours de la perche de l'histoire ou son adversaire s'appelait une nouvelle fois Bjorn Otto. Et cettte boucle atteignait son paroxysme en août quand il devenait champion olympique en passant au-dessus de la barre de 5,96m à son dernier essai alors que Bjorn Otto se voyait déjà chantonner l'hymne allemand tout en haut de la boîte.


Une aisance impressionnante

Alors, après trois concours de très haut niveau où le suspense s'ajoutait parfois au drame de retournements de situation innatendus, on s'attendait à voir du grand spectacle. On s'en persuadait du moins car la saison hivernale de Bjorn Otto ne ressemblait en rien à celle de Lavillenie. L'allemand allait moins haut et avait un manque de régularité. Mais ça, on en a l'habitude avec Otto et on se disait qu'à l'orée d'une compétition de ce calibre car on connait l'individu et on sait qu'il peut passer n'importe quelle barre. Mais en ce début d'année 2013, Renaud Lavillenie a pris une certaine longueur d'avance sur son principal adversaire. Il le savait bien mais ne voulant pas paraître plus prétentieux qu'il n'est, il commençait à 5,61m comme les autres. Il fit un saut tellement au dessus qu'il se dit qu'il pouvait faire l'impasse jusqu'à 5,76 qu'il passa avec autant de tranquilité pendant que ses conccurents s'y cassaient les dents. Allrs, c'est vrai, ils furent trois, Filippidis, Mohr et Otto, à passer mais aucun au premier essai. Devant le concours sans écorche du deuxième plus grand perchiste de tous les temps, Bjorn Otto se retrouvait dans l'obligation de faire l'impasse sur 5,81,5, 86,5, 91 et 5,96m. Mais il savait qu'il avait perdu "il y avait Renaud et les autres. Il est tellement fort en ce moment que j'avais pas une seule chance de le battre. Pour moi, cette seconde place a des allures de victoire car il était plusieurs tons au-dessus. Je vais devoir bosser pour espérer l'inquiéter cet été".


Il veut aller chercher bubka

Cependant, malgré qu'il est survolé littéralement les débats comme on a rarement vu à ce niveau, Renaud Lavillenie s'est écroulé, s'est pris la tête dans les mains et s'est allongé devant les photographes. Le clermontois n'est pas du genre à s'arrêter quand il est désigné vainqueur. Comme la deuxième marque de tous les temps est détenu par l'australien Hooker avec 6,06m, il tentait 6,07m, un centimètre de plus. Après deux échecs où il a eu le temps de se régler, il prenait son temps avant sa dernière tentative. Il a soufflé un bon coup et il a commencé sa course d'élan, a pris son impulsion et il s'est envolé dans les airs de la salle de Göteborg. Il a fait son mouvement habituel et il est retombé. Un léger regard vers la barre qui ne se tenait pas à ses côtés, donc qui se trouvait encore tout en haut, et il se mettait à courir dans tous les sens. Jusqu'à ce que le juge ne lève un drapeau rouge synonyme d'échec. Renaud s'est mis à crier, il demandait pourquoi le drapeau n'était pas blanc comme il l'attendait. On ne lui répondait pas alors on a cru qu'il avait replacé la barre avec sa main mais ce n'était pas le cas. Après quelques secondes, le speaker suédois annonçait que la barre ne tenait pas sur le bon taquet et que le saut ne pouvait être validé. Mais il n'écoutait pas et mettait quelques minutes à s'emparer du drapeau tricolore. Mais l'amertume était encore discernable sur le visage du jeune perchiste "je suis dégouté. La barre n'est pas tombée. J'ai sauté au dessus de 6,07 m, c'est clair. Si ça s'était passé sur une barre à 5,96m, je m'en foutais mais je tenais l'occasion de rentrer encore plus dans l'histoire. On m'a parlé du réglement mais pour moi, il n'a aucun intérêt. Tu ne peux pas dire à un mec qui n'a pas fait tombé la barre qu'il a manqué son saut. Je suis passé de l'euphorie à la déception en trente secondes. Bjorn Otto est venu me voir pour me dire qu'officieusement, j'étais le deuxième perchiste de l'histoire. C'est super sympa de sa part".
Malgré cette magnifique performance avortée en quelques instants, Renaud Lavillenie a pu tirer de très bonnes indications pour l'avenir. C'est clair que la barre de 6,07m, il l'a dans les jambes. Il ne s'est jamais montré aussi constant au dessus de 5,90m. Jean Galfione est persuadé qu'il n'a pas encore exploité toutes ses pleines capacités "il est le meilleur perchiste du monde et de loin. Si le réglement était juste, il serait le deuxième performeur de tous les temps. Mais il peut encore aller plus haut. J'en suis persuadé car il progresse tous les ans et il est encore très jeune. Il a du temps devant lui". Le champion dEurope ne pense plus qu'aux mondiaux de Moscou, en août prochain "j'ai tout gagné sauf un titre de champion du monde. On dit que je gagnerais car il ne peut rien m'arriver mais dans la discipline du saut à la perche, rien est fait en avance". Et quand on lui parle d'un certain Sergei Bubka, il sourit "son record à 6,15m me semble imprenable mais je sens que je pourrais m'en approcher dans les prochaines années"...
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L'auteur : Fruitier Manu
29 ans, Paris (France).
Publié le 27 mars 2013
Modifié le 23 mars 2013
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