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Le pari manqué de Jason

Le porte-drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d'ouverture, Jason Lamy-Chappuis, n'a pas été en mesure de conserver son titre olympique obtenu il y a quatre ans à Vancouver. La faute à un souci technique.


Hier, quand Jason Lamy-Chappuis a passé la ligne d'arrivée, trente-quatre autres fondeurs l'avaient fait avant lui. Depuis décembre 2006, jamais il ne s'était classé aussi loin dans un combiné nordique en petit tremplin (il avait pris la quarante-deuxième place). Le regard fermé, le corps tiraillé par la fatigue, le souffle court parce que, malgré l'échec et le très mauvais résultat, Jason Lamy-Chappuis a eu besoin de temps pour respirer normalement. Une fois redressé, Sébastien Lacroix, vingt-huitième hier arrivé une trentaine de secondes avant son coéquipier, s'est approché de lui timidement, le regard pris d'une soudaine tristesse, pour le réconforter dans ce moment compliqué. Il commente "je ne comprend rien. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Franchement, j'ai encore beaucoup de mal à y croire. Ca fait tellement longtemps qu'une telle mésaventure ne lui était pas arrivé. Pendant la course, vers les trois-quart, je vois que je suis en train de ratrapper un maillot de l'équipe de France. Je pensais qu'il s'agissait de François (Braud) ou de Maxime (Laheurte) mais quand je me suis aperçu que c'était Jez que je dépassais sans problème, j'ai été extrêmement surpris. Surtout que ces derniers temps, même quand le saut n'était pas terrible, il s'assurait un top 10 grâce aux progrès qu'il a fait en ski". Puis suivirent Maxime Laheurte, dix-septième et premier français hier après-midi, et François Braud, vingtième. Ensuite, ce fut Nicolas Michaud, patron du ski nordique français, qui lui glissa un mot "j'ai simplement essayé de le réconforter comme je le pouvais mais je sais bien que ça n'a pas servi à grand chose. Il n'y avait rien à faire je pense. Je l'ai rarement vu comme ça. Dans le passé, je l'ai déjà vu en colère contre lui-même et il avait fini sixième. Là, c'est très différent, il y avait de l'incompréhension dans son regard. Il se demandait le pourquoi du comment de cette catastrophe".
Même ses adversaires sont venus le saluer parce qu'on ne se réjouit jamais de l'échec d'un si grand champion de sa discipline. Oui, car malgré cette mauvaise course qui le prive d'un second titre olympique, le Jurassien reste un champion. Il l'a prouvé en gardant toute sa dignité, malgré l'amertume et la déception d'une journée en enfer, au moment où il fallait affronter les médias "de toute ma carrière, c'est la pire journée, ma pire course. C'était un calvaire de terminer. Je voulais simplement que tout cela s'arrête le plus rapidement possible". Et, quand on commença à parler d'abandon, sa réponse ne se fait pas attendre "mais je ne pouvais pas abandonner. Je skiais pour moi mais aussi pour ceux qui me soutiennent et pour la France entière. J'ai eu l'honneur d'être choisi pour porter le drapeau tricolore donc je me devais d'assumer ma défaite et d'aller jusqu'au bout malgré la déception. Le plus important, c'est de se tourner vers le grand tremplin et vers le relais".


Un saut pas si mal

La journée de Jason Lamy-Chappuis n'avait pas si mal commencée pourtant. Lors du saut d'entraînement, il était allé au delà de la ligne des cent mètres, quatrième meilleur longueur de la cession. Un essai qui lui donna confiance avant l'épreuve du saut. Un saut qu'il assura, faisant deux mètres de moins qu'à l'entraînement mais qui lui offrait une huitième place au départ des 10 kilomètres de ski de fond. Une épreuve de saut à ski remporté par l'Allemand Eric Frenzel qui partait avec trente secondes d'avance sur le Français. Un écart pas trop important pour interdire ce dernier un rêve de titre olympique "à l'entraînement, j'avais de bonnes sensations sur le saut. J'ai tenu à assurer mon saut. J'aurais pu aller un peu plus loin et m'approcher à quinze ou vingt secondes de Frenzel mais trente secondes, c'était supportable. Ca me mettait dans les mêmes conditions que les Mondiaux de la saison passée. J'étais parti avec trente-cinq secondes de retard sur lui. Je l'avais repris et j'avais pris le titre mondial donc oui, la confiance était là".
La suite est un peu plus compliquée pour le Franco-Américain qui réalise un bon début de parcours à ski. Il reprend rapidement une dizaine de secondes sur le leader. On rêve d'un retour fantastique. Un rêve qui va s'évanouir après seulement un tour quand il commence à rétrograder dans son groupe avant de se faire décrocher. La messe était dite. Il n'avait pas les jambes pour défendre farouchement son titre, celui-même qui voulait absolument conserver pour devenir le premier Français à conserver son titre olympique lors de deux JO consécutifs. Il perd progressivement une minutes puis une minute trente pour finir finalement à plus de deux minutes trente du vainqueur avec à la clef le quarante-et-unième temps de ski sur quarante-cinq engagés à trois minutes trente du meilleur temps à ski, ce qui est tout bonnement énorme à ce niveau là, connaissant le niveau du Jurassien.


Des problèmes de glisse

Alors, contre-performance physique ou ennui mécanique ? On dira un peu des deux. Lamy-Chappuis le reconnait lui-même "je n'étais pas dans la forme de ma vie" donc effectivement, le physique n'était pas au niveau de Jeux Olympiques. Cependant, la seconde cause citée serait peut-être la plus importante. Édouard Gouy, un des techniciens du français, explique "s'il y en a un qui doit prendre ses responsabilités dans cet échec, c'est sans aucun doute moi et je n'ai pas peur de le dire. Dans le nordique, les skis ont des rainures qui permettent d'évacuer l'eau et les saletés qui se trouvent dans la neige surtout dans les parties ensoleillées. Normalement, c'est une machine qui s'occupe de faire ces rainures. Mais hier, il y avait du soleil sur la majeure partie du circuit. Plus la piste subit la chaleur, plus il y a de l'eau et des déchets sur la piste donc j'ai décidé, à un quart d'heure du départ, de rajouter des rainures manuellement pour faciliter la glisse. Pour cela, on utilise un petit instrument rectangulaire. Ca a déjà fonctionné dans le passé mais on sait que c'est un risque qui peut également être perdant et ça a été les cas hier malheureusement. Au lieu de faciliter la glisse, cet ajout a eu l'effet contraire. C'est comme si ma la modification manuelle avait annulée le travail effectué par la machine. L'eau et les déchets ne s'évacuant pas suffisamment, Jason n'a pas eu de glisse". On le voyait très bien à l'image. Les skis étaient courts à tel point qu'il devait relancer trop souvent pour reprendre de la vitesse. Ce qui figure comme une sorte de double peine parce que sans glisse, le fondeur va moins vite mais il s'use bien plus rapidement car les coups de bras sont plus nombreux et plus prononcés. Sébastien Lacroix l'avait constaté avant tout le monde "Je double Jez dans une descente. Il n'avançait pas. Quand je filais à 40 KM/H en me relâchant pour récupérer, lui devait relancer parce qu'il était presque arrêté".
Après l'échec du 10 kilomètres sprint de samedi en ouverture des Jeux Olympiques, Martin Fourcade avait tenu à se tourner vers la prochaine course parce que ça ne lui servait à rien de gamberger. Jez aura sans doute la même réaction bien que sa prochaine course ne soit programmée que pour mardi avec le grand tremplin. Mais il garde également espoir pour le relais où la troisième place semble accessible derrières les intouchables Allemands et Norvégiens.
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L'auteur : Fruitier Manu
29 ans, Paris (France).
Publié le 26 février 2014
Modifié le 24 février 2014
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