| Fog : La Mémoire voléePlongez dans un Londres mystérieux, où se produisent des faits pour le moins étranges..."Mary Launceston et Rupert Graves, les deux personnages récurrents de la série "Fog", prennent en charge Sarah, une jeune femme amnésique, sauvée d'un atelier clandestin des bas-fonds de Londres. Si elle ne se souvient que d'avoir été jetée dans la Tamise par des inconnus, ses manières sont celles d'une femme de la bonne société. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-on cherché à l'éliminer ? Peut-être la solution de cette nouvelle énigme se trouve-t-elle à Inverness, en Ecosse, où d'étranges assassinats ont lieu..." (Présentation Casterman)
Comme dans les autres albums de la série "Fog", le suspens est au rendez-vous. L'intrigue est nouée autours de différents personnages qui au début semblent n'avoir aucun lien. Mais petit à petit, nos deux détectives, Mary Launceston et Rupert Graves, découvrent les correspondances secrètes qui unissent tout ce petit monde. Les auteurs font valser l'intrigue entre Londres et la région d'Inverness (La série "Fog" aborde souvent la haine séculaire des communautés de Highlanders contre les anglais, qu'ils considèrent comme des envahisseurs). Cet album utilise une nouvelle fois (mais avec quelle merveille !) la recette de l'enquête policière, du mystère, des sociétés secrètes, du paranormal, de la folie... Le scénario dans La Mémoire volée est très bien mené, très dense, et nous donne irrémédiablement envie de lire la suite pour comprendre la clé de l'histoire. Les aventures de cette série se déroulent toujours sur deux tomes. Donc pas de panique pour ceux qui n'ont pas lu les premiers albums, La Mémoire volée peut être lue séparément sans trop d'incompréhension (même si vous ne comprendrez pas toutes les allusions). Mais pour votre plaisir, je vous conseille quand même de lire toute la série qui est une véritable réussite. Le sixième tome concluant cette enquête est prévu pour l'automne 2004.
"Fog" rappelle toute une tradition littéraire. La parenté de l'univers de Sherlock Holmes a souvent été soulignée du fait de l'importance accordée à l'intrigue policière. L'univers de Dickens est aussi présent avec l'évocation des bas quartiers et de la misère humaine (lisez Oliver Twist par exemple vous en serez persuadés). Tout comme Edgar Poe, Bonin et Seiter font surgir le fantastique des détails les plus ordinaires, par-delà les apparences. Enfin, un clin d'œil est fait à Jules Verne dans La Mémoire volée : un des personnages, Lord Douglas Wishaw, veut construire les dirigeables inventés dans les livres de Jules Verne (Cinq semaines en ballon).
Ce cinquième tome de la série "Fog" est aussi l'occasion de suivre l'évolution des rapports entre Mary Launceston et Rupert Graves. Ces personnages sont très attachants, notamment cette jeune femme enquêtrice qui s'écarte beaucoup du rang de la jeune fille convenable du XIXe siècle. Mary a la qualité de prendre ses décisions par elle-même et ensuite d'assumer ses choix. Bien que faisant totalement partie de la haute société, elle n'en suit pas toutes les conventions sociales. Les deux personnages principaux par leurs traits d'humour et leur ironie sur cette haute société contrastent avec l'univers sombre dans lequel ils évoluent.
La série "Fog" se déroule au début du XIXe. Bonin semble prendre un réel plaisir à retranscrire l'atmosphère de cette époque. Les volutes du dessin (jusque dans la fumée des cigarettes que fume Rupert Graves, ou dans les cheveux de Mary) peuvent peut-être nous suggérer l'influence de l'art nouveau anglais de William Morris, d'Aubrey Vincent Beardsley, ou encore celle des préraphaélites comme Edward Burne-Jones. En tous cas, les auteurs s'amusent sans conteste à nous présenter un univers très british, avec les rues si particulières de Londres, ses docks, ses pubs... mais aussi avec des intérieurs d'appartements ou de villas privés. Le dessin Cyril Bonin se fait remarquer par son originalité. Ce dessinateur a vraiment su trouver une touche personnelle. Son trait est toujours aussi fin et raffiné. Personnellement, je trouve que dans ce cinquième album, son dessin s'est beaucoup amélioré au niveau des scènes sombres. Bonin traduit toujours aussi bien l'ambiance du Londres des quartiers malfamés et sales, avec son brouillard si caractéristique (comme l'annonce le titre de la série, "Fog") par des tons dans les noirs, gris, marron, vert foncé. Mais dans La Mémoire volée, ces scènes sont beaucoup plus lisibles qu'avant, moins obscures. Le jeu sur les ombres est plus maîtrisé. quand aux paysages colorés des Highlands, ils sont vraiment beaux. La réflexion sur la mise en page est très intéressante avec quelques trouvailles sympathiques (je pense par exemple au dynamisme qu'exprime le cadrage à la page 34). Les cases centrées sur le visage d'un personnage et son expression n'ont rien d'originales en soi, mais elles sont particulièrement bien exploitées dans "Fog". Parfois le graphisme rappelle un peu celui d'Andréas dans ses premières œuvres (comme La Caverne du souvenir).
Série : Fog
Titre : La Mémoire volée
Auteurs : scénario de Seiter, dessin de Bonin
Editeur : Casterman
Collection : Ligne Rouge | | |
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