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Chronique de l'album Loud Like Love de Placebo

Placebo, groupe autrefois phare de la jeunesse révoltée, a livré à la rentrée 2013 son septième opus dans une certaine confidentialité médiatique. Et pourtant il vaut qu'on y penche une oreille.


Voilà un groupe sur lequel les évènements et le temps ne semblent avoir aucune emprise. Ni les modes ni les changements de line up. Né au milieu des 90's en pleine guerre britpop Oasis vous Blur, Placebo a affiché sa différence via une musique plus habitée que dansante, une poésie noire aventureuse sur fond de basse et de refrains reconnaissables entre tous. Après son plus gros succès commercial, l'opus Sleeping with ghosts et son tube The Bitter End en 2003, le groupe est revenu dans le giron plus confidentiel, mais néanmoins immense de sa fidèle caste de fans originels. Le très (trop) hétéroclite Meds avait semé le doute chez ses plus fervents défenseurs (2006), avant que Battle for the sun (2009) ne retrouve le souffle épique et la nervosité des premiers jours. Entre-temps, le batteur Steve Hewitt avait cédé sa place à Steve Forrest, sans que cela ne provoque une révolution au niveau des compositions, le meneur de jeu restant le chanteur Brian Molko.

Ce septième album, constitué de seulement dix titres, est clairement décomposé en deux catégories : une moitié pop très accessible et susceptible de nourrir des hits radio-compatibles, un autre versant marqué par des structures plus complexes et une certaine agressivité sourde.

Au final l'exercice ne produit pas l'effet indigeste que l'on pouvait craindre. La fragilité, omniprésente, continuera à parler aux grands ados que sont devenus les adeptes du trio.

Suffit-il ne pas être allergique aux boucles électroniques et à cette catégorie de chanteurs à la voix tellement nasillarde qu'ils pourraient exercer la bouche fermée. Billy Corgan, Brian Molko, même combat.


Piste 1 LOUD LIKE LOVE 4'43'**1/2
Début en douceur avec une intro entêtante typiquement Placebienne. Titre efficace et entraînant dont on perçoit aisément le côté chorale dans les concerts. Sans se démarquer des ouvertures d'albums précédents, il fait le boulot.

Piste 2 SCENE OF THE CRIME 3'22'***
Porté par un riff et une orchestration invitant à bondir sur place, ce morceau met en avant l'énorme travail de production. Qui fait la part belle à la voix chaleureuse de Brian Molko, apte à s'élever dans les cieux.

Piste 3 TOO MANY FRIENDS 3'25'***1/2
Pas étonnant que cette ballade "idéale" ait constitué le premier single de l'album. Elle réalise avec élégance une passerelle entre un Song to say goodbye et Happy you're gone, les deux slows remarqués des deux galettes précédentes. On peut simplement regretter l'absence d'une production plus épurée comme dans le passé Without you I'm nothing ou Hang on to your IQ.

Piste 4 HOLD ON TO ME 4'45'**1/2
Une première partie low-tempo avec un phrasé-parlé et un refrain accompagné de clappements de mains, un pont aux allures confidentielles avec un Molko égrenant les mots avec pudeur, et puis rien. On sentait poindre une explosion finale, le chemin un tantinet progressif, régulièrement emprunté depuis Black Market Music, mais on s'en tiendra à cette descente tranquille. Ce qui a le mérite d'échapper au tic d'écriture, sans constituer une chanson particulièrement mémorable.

Piste 5 ROB THE BANK 3'35'*1/2
À bientôt mi-album, on cherche encore les guitares. Et on ne les trouve pas ici. Après le jeu de basse reconnaissable entre milles du groupe, place aux boucles, claviers et au chant gentiment virulent sous forme de cavalcade. Encore une chanson qui fera taper des mains en concert. Un peu trop froide pour convaincre en studio.

Piste 6 A MILLION LITTLE PIECES 4'30'***1/2
Voilà un titre plus apaisé qui renoue avec la forme addictive de morceaux tels Sleeping with ghosts et Protect me from what I want. Une petite accélération sur la fin, rien de bien sérieux. La formule fonctionne et plaide pour un retour à la simplicité.

Piste 7 EXIT WOUNDS 5'37'***
Bidouillages électroniques au premier plan pour ouvrir ce morceau. Au loin résonne un vague écho à Something rotten. Heureusement, la tentation d'une structure complètement robotique est écartée et nous assistons enfin à un déferlement de batterie à 2'. Une ultime spirale enrobe le tout dans un univers aussi spatial que familier. Placebo recycle, mais recycle plutôt bien.

Piste 8 PURIFY 3'38'*
Le gros raté de l'album. Une chanson inutilement bruitiste et surproduite. Cette absence de finesse annonce-t-elle une fin d'album plombée par une expérimentation incontrôlée ?

Piste 9 BEGIN THE END 5'55'****
Pas le temps de s'appesantir, le charme réopère aussitôt avec la structure progressive de ce titre. Tandis que le chant s'avère plus fragile que jamais, se dégage une force propre à un groupe retrouvé. Tous les éléments sont enfin en symbiose pour offrir le meilleur de ce qu'il sait faire.

Piste 10 BOSCO 6'40'**1/2
Nouvelle ballade à la simplicité évidente pour clore cet opus à l'allure de compromis. Les autocitations sont cette fois à aller chercher du côté de Commercial for levi ou Centrefolds. Molko se livre encore plus que de coutume en termes d'intensité et de lyrisme, venant accentuer le fait (un peu dommageable) que la production favorise exclusivement son expression.


BILAN **1/2

Un album pas franchement réussi, pas franchement raté. Les fulgurances propres à nourrir de nouveaux morceaux phares dans l'histoire du groupe sont hélas rares. Le sentiment dominant est celui d'un groupe ne voulant pas trancher pour se réinventer complètement. Par ailleurs, la production mise tant sur la voix du chanteur que l'on a parfois l'impression d'écouter l'album solo d'un songwritter. Retour au rock à guitares ou basculement dans l'electronica la plus totale, Placebo s'autorise à ne pas choisir et maintient un équilibre précaire.
L'auteur : Emilien Bartoli
41 ans, Toulouse (France).
Publié le 22 mars 2014
Modifié le 16 mars 2014
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