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Brouillard au Pont de Bihac / 58 mn pour mourir

"L'ennemi du sniper, ce n'est pas l'abus d'alcool qui fait trembler la main ou celui de nicotine qui fait tousser, ni la conjonctivite faussant les perspectives, pas plus que la myopie qui empêche d'accommoder à l'infini sur le réticule de la lunette de visée ; l'ennemi du sniper, c'est le brouillard. Celui que toutes ses cibles potentielles attendent et espèrent... "


"La guerre fait rage à Bihac, comme dans tant d'autres villes de l'ex-Yougoslavie. Les factions sont en embuscade, les snipers se défoulent, les civils trinquent. Il n'y en a plus que pour la combine, la débrouille, la survie au jour le jour. Un cul de basse-fosse, sinistre, où sont venus mourir tous les espoirs, avec les troupes impuissantes de l'ONU en guise de fossoyeur. Vaste foutoir. C'est dans ce paysage dévasté qu'attendent Radko et Alija, embusqués dans les caves d'une ancienne banque. Quand le monde était encore normal, l'un et l'autre travaillaient dans cette banque. Le jour où le bâtiment a été bombardé, puis évacué, eux seuls en ont réchappé. Eux seuls et un camion blindé, demeuré miraculeusement intact en sous-sol. Un camion blindé bourré de titres au porteur, de lingots et de devises diverses. Depuis, bien sûr, tout le monde a oublié le camion. Pas eux. Alors, comme des rats enterrés, Radko et Alija attendent. Ils attendent le brouillard, qui ne manque jamais d'arriver en cette saison. Le brouillard qui leur permettra enfin de sortir tranquillement de leur cave au volant de leur véhicule blindé, maquillé en ambulance des Nations Unies... " (Présentation Casterman)

Depuis mai 2008, la collection "Rivages / Casterman / Noir" (lancée conjointement par Payot/Rivages et Casterman) remet à l'honneur le genre de polar. Cette collection s'enrichit d'un nouveau récit noir... Très noir. Ou plutôt de deux récits car l'album regroupent deux deux nouvelles de Jean-Hugues Oppel adaptées par Gabriel Germain : Brouillard au pont de Bihac et 58 minutes pour mourir.


Le moins que l'on puisse dire c'est que les auteurs nous livrent deux récits chocs. Les deux nouvelles sont concentrées et jouent sur la suggestion. L'auteur nous fait comprendre une situation par petite touche. Le cadre, les personnages, l'action : tout se met en place petit à petit. Les texte s'avèrent également acérés et cyniques.


Malgré tout ce procédé peut présenter des lacunes. La première adaptation, Brouillard au pont de Bihac, semble évoquer trop vite les différents personnages qui se croisent dans ce drame. Le lecteur n'a pas vraiment le temps d'adhérer au récit, de sentir les différentes personnalités. Cette critique de la guerre paraît trop rapide et le dénouement de l'histoire tombe de manière un peu incongru.


En revanche, la seconde nouvelle, 58 minutes pour survivre, est un vrai petit bijou de concision. Dans son adaptation, Gabriel Germain prouve son art consommé de l'ellipse. Il arrive à susciter immédiatement la curiosité du lecteur envers un personnage à priori quelconque. Mais le fait même de focaliser sur cet homme nous le rend mystérieux. Pourquoi un homme solitaire attend-il des heures dans cet aéroport ? Pourquoi porte-il un ours en peluche ? Attend-il un passager ? Mais pourquoi donc s'intéresse-t-il tant aux enfants qui ont eux-mêmes un ours ? Le suspens monte petit à petit. Et le dénouement est direct et implacable. Ames sensibles, s'abstenir !


Dans les deux récits, Gabriel Germain manie un noir et blanc sans concession, profond. Son graphisme à la fois épuré et stylisé imprime une vraie marque personnelle et redonne une nouvelle vie aux deux nouvelles de Jean-Hugues Oppel. Gabriel Germain joue avec une très grande maîtrise sur les cadrages. 58 minutes pour survivre se déroule presque sans parole : toute la compréhension du récit tient grâce à la mise en page et au jeu des regards.


Titre : Brouillard au pont de Bihac (plus 58 minutes pour mourir)
Auteurs : Jean-Hugues Oppel, Gabriel Germain
Editeur : Casterman
Collection : Rivages / Casterman / Noir
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L'auteur : Lorna Lorna
41 ans, Angers (France).
Publié le 09 novembre 2009
Modifié le 05 avril 2010
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