| Souvenirs de l'éternel présentLes Cités obscures ouvrent à nouveau leurs portes... Venez découvrir ce monde parallèle au nôtre..."Aimé, un enfant d'une dizaine d'années au crâne rasé, vit à Taxandria, une ville en ruines, emplie de colonnes corinthiennes et de grands palais déserts. Suite à un mystérieux cataclysme, les lois de "l'éternel présent" ont été promulguées à Taxandria : toute allusion au passé et au futur y a été interdite, toutes les machines ont été bannies. Aimé découvre un livre d'images qui relate ces terribles événements. Il est bouleversé par cette lecture et plus rien ne peut désormais l'arrêter. Parviendra-t-il à échapper à l'emprise sinistre du monde de l'éternel présent ? Un récit poignant où tous les thèmes chers à Schuiten et Peeters prennent une nouvelle dimension : critique de l'ordre établi, décadence de la société industrielle et jusqu'au cours du temps lui-même, complètement nié à Taxandria." (Présentation Casterman)
C'est une œuvre à la fois ancienne et nouvelle que nous offrent François Schuiten et Benoît Peeters, avec Souvenirs de l'éternel présent. Les deux auteurs ont souvent revus leurs propres œuvres. Au cours des rééditions, ils n'hésitent pas à changer la maquette de leurs albums, à les agrémenter de suppléments, voire même à modifier certaines histoires notamment leur dénouement. Mais avec Souvenirs de l'éternel, ils abordent encore un nouveau sujet : au point de départ, le film d'animation de Raoul Servais, Taxandria, auquel ont collaboré nos deux auteurs. La réalisation du film ayant connus plusieurs aléas (expliqués par Benoît Peeters à la fin de le l'album), le résultat final n'est pas à la hauteur des espoirs suscités. Reste alors une grande frustration pour François Schuiten qui avait réalisé plus de 600 dessins sur le projet. D'où l'idée de réutiliser cette matière pour en faire un livre. Une première version voit le jour, il y a une douzaine d'année, qui "combinait textes et illustrations, il ne s'agissait pas vraiment de bande dessinée. C'est ce livre que nous reprenons aujourd'hui, pour en faire un véritable de bande dessinée, dans une version considérablement augmentée et transformée" (Interview de François Schuiten dans Castermag # 28).
Au niveau du scénario, les auteurs nous invitent à suivre le petit Aimé, dernier enfant de Taxandria. C'est d'ailleurs lui qui nous raconte son histoire. Le lecteur s'attache tout de suite à cet enfant qui ne comprend par le monde mort dans lequel il vit. Taxandria est en effet une ville en ruine, où les jours se ressemblent car le temps semble s'être arrêté. C'est la découverte d'un livre qui va apporter la révélation à Aimé et l'inciter à découvrir la vérité. On retrouve là des thèmes chers aux auteurs : l'absurdité de nos sociétés, la folie de certains scientifiques, l'importance des livres et de la connaissance pour se libérer. Comme à l'heure habitude, les auteurs ont choisi une fin assez ouverte. Bien sûr, le périple du petit Aimé aboutit, mais son point d'arrivée s'avère également un point de départ vers un nouveau monde à explorer et de nouvelles aventures. Au lecteur de laisser son imagination vagabonder sur l'avenir de ce petit garçon...
Souvenirs de l'éternel présent s'avère également une synthèse de toutes les œuvres et les travaux de Schuiten et Peeters. Les fans des Cités obscures apprécieront les différentes architectures dessinée par Schuiten (à la page 36, le bâtiment en forme de dôme nous rappelle Centre de cartographie de la La Frontière invisible) et repéreront la carte que présente M. Bonze à Aimé. Les auteurs utilisent également certains éléments de leurs travaux de scénographie : à la page 59, l'espèce de fusée qui sort du sol nous renvoie immédiatement aux engins que Schuiten avait imaginé dans sa scénographie urbaine pour la ville de Maubeuge (vous trouverez des dessins et des photos de cette scénographie dans le livre Voyage en utopie, pages 59 et 60). Certains éléments appartiennent à la fois au monde des Cités obscures et aux souvenirs d'enfance de nos deux auteurs : il en est ainsi pour le tram 81 que l'on voit au début de l'album. D'autres motifs apparaissent plutôt comme des hommages : la reliure du livre découvert par Aimé rappelle les reliures rouges et agrémenté de gravures des livres de Jules Verne ; l'école et le musée "où sont conservées les machines d'autrefois" pourraient constituer un clin d'œil aux musées des arts et métier qu'apprécient particulièrement Schuiten et Peeters. Tout leur travail acquiert ainsi une grande cohérence et un lien est créé avec leurs lecteurs qui se retrouvent dans un monde à la fois connu et en éternel renouvellement.
Pour ce nouveau tome de la série des Cités obscures, François Schuiten explore à une nouveau une technique différente : "Dans Souvenirs de l'éternel présent, cela passait par le travail de la couleur, bien sûr, avec la mise au point d'une palette assez particulière, mais aussi par l'exploration du flou. C'était totalement différent de La Théorie du grain de sable (leur précédente BD, qui est d'ailleurs republiée en cette fin d'année en un seul album et en grand format), un travail qui, par contraste, était une exaltation de la netteté." Il a également choisi une mise en page particulière, composée pour la plupart des planches en deux grandes cases horizontales accentuant l'immensité désolée de la ville morte. L'enfant semble bien perdu dans ce monde et son périple en paraît d'autant plus périlleux. A la page 62, on dirait que François Schuiten est parti d'une photo puis a dessiné dessus pour donner un effet tout à fait particulier à ces images de mer (technique qu'il a déjà utilisée notamment à partir de photographies de Marie-Françoise Plissart). En tous cas, avec Souvenirs de l'éternel présent, les auteurs nous livrent à nouveau une œuvre d'une très grande originalité et c'est avec un immense plaisir que l'on redécouvre l'univers de Taxandria.
Série : Les Cités obscures
Titre : Souvenirs de l'éternel présent
Auteurs : François Schuiten et Benoît Peeters
Editeur : Casterman | | |
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