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Seconde chance

J'ai écrit cette histoire fictive et légèrement surnaturelle en première, pour un concours de nouvelles, mais je vous laisse lire...


Il y a des jours où on se dit que l'on aurait mieux fait de rester chez soi, je vis ce jour environ 365 fois par an, qu'il pleuve, qu'il neige, ou que le soleil nous étouffe, pour moi c'est pareil.
A six heures, invariablement, le réveil me crève les tympans de sa sonnerie stridente. Alors je me lève, trébuchant sur les innombrables canettes de bière et cartons à pizzas à peine entamées qui jonchent le sol. J'éteins la télévision noir et blanc devant laquelle mon colocataire s'est endormi, et je vais à la salle de bain.

Après une courte douche, froide, pour non-paiement de la facture d'eau, je me poste devant le gros bloc de faïence blanche parsemée de taches de moisissure qu'est notre lavabo, et, comme tous les matins depuis près de trente ans, je me rase. Cependant, ce matin là, je crus apercevoir dans le miroir un visage qui n'était pas le mien.
En effet, sous mes yeux n'apparaissait aucune ride, mes cheveux étaient soyeux, et ma grosse et hideuse cicatrice, qui d'habitude me révulse moi_ même lorsque je me regarde, avait-elle aussi disparu.
Non, décidément, je n'étais pas moi. J'ai couru jusqu'à ma chambre, où, à l'intérieur de mon armoire, se trouve aussi une glace, et là, déception : j'étais redevenu moi_ même. J'effleurais du bout des doigts ma cicatrice, et sortais dans le matin glacial sans prendre le temps de déjeuner, car j'étais en retard, comme d'habitude.

Le long du chemin, que par habitude je pouvais parcourir sans même y penser, cette curieuse aventure m'obsédait. Je revoyais ce visage gracieux, pur, un visage comme j'aurais dû en avoir si mon train de vie n'était pas si mouvementé. Ce visage, je le revis une seconde fois avec stupéfaction dans la porte vitrée de la rédaction du journal méconnu dans lequel je suis un futur ex employé. Je restais là, dans cet état d'esprit dans lequel on se trouve quand l'étrangeté de la réalité dépasse le pouvoir de rationalisation de l'esprit.


Ce que je sais, c'est que j'étais rudement en retard, et qu'il fallait me dépêcher, En bref, une journée bien commencée. Alors que je terminais un article inintéressant sur l'agriculture en Amérique latine, pour la première fois depuis des mois, la femme du rédac en chef, chargé de nous persécuter, s'est adressé à moi sans hargne ni sans haine, aucune. Elle qui d'habitude est surnommée'Petsec', et ne parle que de haut aux écrivains de seconde zone dont je fais partie. Elle m'a même félicité de la rapidité de mon écriture alors que l'article que j'étais en train d'écrire était en retard de deux jours.
Cette remarque de sa part me valut d'ailleurs des regards en coin et des chuchotements à mon passage dans les couloirs de la rédaction.
Je n'ai pu, jusqu'à présent, m'empêcher de penser qu'à ce moment là, ce n'est pas moi que'Petsec'a vu, c'est lui, l'autre, mon double en mieux. On ne peut comprendre l'état de peur et d'incompréhension dans lequel je me trouvais alors sans se mettre à ma place. Je pris alors pour la centième, peut_ être la millième fois, la décision de ne plus boire d'alcool. Alors que je savais pertinemment que cette résolution serait oubliée une fois que je serai en face d'un pub quelconque. Mais était-ce vraiment l'alcool qui était en cause ?

Bien sûr, j'avais eu quelque fois, à l'aube massacrante d'une nuit arrosée de tord boyaux, d'effrayantes hallucinations, de mon père, notamment, ainsi que de monstres infâmes qui cherchaient, pour une raison que je ne connaissais pas, à me découper en petits morceaux à l'aide d'une tronçonneuse. Mais là, ce n'était pas pareil : premièrement ce matin je n'étais pas saoul, et puis je sentais, je savais que ce n'était pas pareil. En tout ça cela me faisait peur, car l'homme a toujours peur de ce qu'il ne connaît pas, et je ne suis qu'un homme.
Si tous ces événements sont curieux, ils sont tout à fait mineurs par rapport à ce qui arriva ce soir là, et qui me permis de comprendre. De comprendre pourquoi ma vie se résumait à des chambres miteuses, des locataires limite échappés de l'asile, des peurs nocturnes, et une éternelle insatisfaction. Et, surtout, qui me permis de ne plus avoir peur. Cette expérience, je la souhaite à tous ceux qui comme moi savent au fond d'eux que leur vie n'est qu'une couverture, qu'ils ne devraient pas être là, qu'ils sont capables de mieux même s'ils n'osent pas.
Je rentrais donc chez moi, chapeau sur la tête, pardessus remonté jusqu'au menton. Je passais par ce petit chemin puant l'insécurité, et que tout le monde appelait :'la ruelle'j'avançais au rythme régulier du claquement de mes talons sur le bitume. Mon ombre me précédait sur la façade d'un vieil immeuble, à ma gauche. Je me regardais avancer vers une soirée aussi banale qu'ennuyeuse.

Et puis me vînt l'idée que, comme le matin même avec le miroir, cette ombre n'était peut- être pas la mienne. N'importe qui n'ayant pas vécu la même expérience que moi m'aurait traité de fou et fait enfermé. Mais dans ma tête cette idée paraissait probable. Je me sui donc arrêté, l'ombre en a fait de même.
J'ai fait des moulinets avec les bras, j'ai sauté, j'ai bougé la tête de haut en bas et de droite à gauche, priant intérieurement que personne ne me voie. L'ombre m'a imité. J'étais déçu, mais rassuré en même temps. Rassuré que cette folle aventure soit terminée, mais déçu que la magie qu'elle avait suscité en moi se soit envolée avec elle.

Quand tout à coup, alors que je ne m'y attendais plus, elle a bougé. Stupéfait, ébahi, je me suis arrêté pour regarder. Elle a tout d'abord bougé légèrement les bras, les jambes, puis, comme s'il y avait eu de la musique, elle est partie dans une danse effrénée, sautant, tournant sur elle- même les bras écartés. Je n'avais plus peur, mon âme était paisible, mais était_ce seulement mon âme ?
L'ombre s'est immobilisé, je me sis approché du mur pour la toucher. Elle était chaude, sur le mur froid. Je n'osais retirer ma main car j'adorais la sensation que cela me faisait ressentir, l'impression que j'étais lui, et c'était tellement bon de se sentir lui. Je suis rentré chez moi le plus vite possible, et je me suis précipité sur le miroir de la salle de bain.
J'étais bien lui, l'autre, sauf qu'il faisait les mêmes gestes que moi, il était moi.

C'est ce jour là que, sous les yeux ahuris de mon stupide colocataire affalé devant sa télé chérie, j'ai quitté l'appartement miteux pour ne plus jamais y revenir, bien décidé à profiter de cette deuxième chance, certain à présent que jamais plus ma vie ne m'échapperais, je vivrais.
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Re: Seconde chance
Posté par elodelu le 20/08/2004 07:56:23
Alivoule, je te traduis la phrase, ca voulais dire:" je restais comme un con la bouche ouverte parce que je captais rien a ce qu'il m'arrivait" mdr voila!
Re: Seconde chance
Posté par alivoule le 20/08/2004 07:56:23
comme a chaque fois super bien ecrit, les bons mots sont employés etc etc !
jai juste pas compri cette frase (surement trop autement intellectuelle et philosophique pour moi) : "Je restais là, dans cet état d'esprit dans lequel on se trouve quand l'étrangeté de la réalité dépasse le pouvoir de rationalisation de l'esprit."
Re: Seconde chance
Posté par elodelu le 20/08/2004 07:56:23
Ghost dog, merci de préciser que je ne suis pas une pochtronne lol ça me va droit au coeur, en effet j'en suis pas une!
Re: Seconde chance
Posté par ghost dog le 20/08/2004 07:56:23
Elodelu fidéle à elle même... Je ne comprends pas... il y a des phrases qui soit respirent le vécu (ça m' étonnerait, t'es pas une pochtronne?) soit sont les fruits d' une imagination fantastique.
Re: Seconde chance
Posté par elx le 20/08/2004 07:56:23
Tu as un reéel talent....un bon EXCELLENT !! J'ai vraiment aimé ton histoire, tout est tres bien détaillé, expliqué...les mots sont bien employé....c'est tres bon dans l'ensemble !!
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L'auteur : Elodie Alias elodelu
42 ans, Nantes (France).
Publié le 19 février 2004
Modifié le 19 février 2004
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