| Les CaméléonsQuand les histoires passionnelles déclenchent un véritable drame d'après guerre..."Paris, 1921. Théo, un lieutenant d'une unité spéciale, a refait sa vie avec la riche femme (Elsa) d'un de ses anciens compagnons d'armes (Vincent), disparu dans les tranchées. Les Caméléons étaient un régiment de peintres-soldats, spécialisés dans le camouflage et le trompe l'œil (véridique !). Tout semble réussir au jeune homme, il va succéder au père d'Elsa à la tête d'une célèbre galerie d'art parisienne, lorsque son passé refait surface. On le fait chanter : il aurait éliminé Vincent pour usurper son identité..." (Présentation Casterman)
Fabrice le Hénanff, et Henri Fabuel nous livrent un one shot avec Les Caméléons. Ces deux jeunes auteurs ont réussi le coup de force de rentrer dans la collection "Un Monde" de Casterman avec leur tout premier album BD. Il faut dire que cet album est à la fois très sombre mais aussi très poétique, narrant une histoire (ou plutôt plusieurs) passionnelle. Le scénario est bien mené, tout en implicite et en suggestion. Le scénariste Fabuel évite toute lourdeur dans son récit. De plus, il suscite l'attention du lecteur en faisant se croiser et recroiser différents personnages. Le scénariste esquisse leurs relations mais n'a pas besoin de s'appesantir, ce qui est plutôt agréable. En bref, un album à découvrir...
L'histoire, qui tourne notamment autour de la peinture avec les peintres-soldats et la galerie exposant des œuvres cubistes, amène les auteurs à faire différents clins d'œil à l'art de cette époque, allant de Picasso, Modigliani, aux affiches de Colin (Joséphine Baker et la Revue nègre) et de Loupot (pub Saint-Raphaël).
Autre référence mais celle-ci prise dans l'univers de la BD de la fin des années 80 : le personnage de Théo semble tout droit sorti des "Chemins de la Gloire", série dessinée par Hulet. Le personnage de Raymond Lécluse semble repris sans aucune modification physique et transféré dans Les Caméléons sous le nom de Théodore de la Roche Gouanvic.
Théo est tourmenté par son passé d'où les pages qui font référence à ce qu'il a vécu pendant la guerre. Aux pages 4-5, les auteurs encadrent habilement l'évocation du passé, par deux images du présent pour montrer que tout se mêle chez Théodore. En effet, son passé qu'il tente de masquer ressurgit rapidement et va détruire la vie qu'il s'est bâti après la guerre.
Dans la mise en page, on peut noter le travail au niveau des plans resserrés sur les visages et les inserts sur les yeux (page26, 27, 42). Le dessinateur semble s'amuser avec la mise en page en débordant de la limite des cases, le dessin empiétant sur une autre case. Le Hénanff joue aussi beaucoup sur l'image associée, c'est-à-dire que plusieurs cases forment une seule et même image, ce qui engendre une lecture fluide. Le plus bel exemple est à la page 20, où cette technique permet de voir les trois personnages en même temps dans un même espace, tout en décomposant leurs différentes paroles dans le temps.
L'évocation de la guerre (même si l'histoire se situe juste après) rend évidemment l'album très sombre, d'où l'utilisation du rouge, du brun, du noir... Les couleurs rendent compte de la noirceur des événements historiques mais aussi de l'obscurité des âmes torturées des différents personnages, notamment de Théo qui construit toute sa nouvelle vie sur celle d'un autre. La couleur directe donne l'impression d'un album "peint". Une autre chose à noter aussi : la transparence des bulles qui permet de ne pas masquer le dessin placé en dessous. Autant qu'il m'en souvienne, je n'avais jamais vu ça avant dans une autre bande dessinée. Pour finir, les personnages féminins sont pleins de grâce et créent l'aspect poétique de l'album. Seul petit regret, c'est que tous les visages ne sont pas de la même qualité.
Titre : Les Caméléons
Auteurs : Le Hénanff - Fabuel
Editeur : Casterman
Collection : Un Monde | | |
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