| Le pauvre moine AngelysL'habit ne ferait-il pas le moine ? Dans un couvent de moines tabennites, le père Angelys priait, méditait et par un dépouillement total de sa nature grossière, essayait d'atteindre les sommets de la perfection en Dieu.
Mais son humilité profonde le faisait cruellement douter de l'excellence de ses sentiments et de sa pitié. Si on lui demandait quel était l'être le plus indigne de la création, avec une extrême sincérité, il se fût désigné à cet état.
Dévoré par ce complexe, le père Angelys alla un matin trouver le père supérieur et osa lui exprimer un souhait :
- Je ne suis pas digne d'aller chanter en chapelle avec mes frères. Ma voix est rude, éraillée et ne peut être agréable au Seigneur. Par grâce, nommez-moi au poste de frère portier et ce sera encore faire grand cas de mes faibles capacités.
Le père supérieur se montra fort surpris de ce souhait venant d'un moine que tous aimaient et avaient en haute considération, mais il lui donna toutefois satisfaction.
Un mois plus tard, le père Angelys postula un autre emploi :
- Je croyais être capable d'ouvrir et de fermer les portes, mais mon oreille est un peu sourde et parfois je n'entends pas la cloche. Par faveur, je voudrais aller bêcher le jardin, transporter le fumier. Plaise à Dieu que je m'acquitte convenablement de ma tâche !
Sa requête fut encore une fois agréée, mais le père Angelys revint plusieurs fois à la charge, postulant pour couper le bois dans le bûcher, pour être cordonnier, manoeuvre... Bref, il finit par être envoyé dans la forêt du Grand-Mont pour faire des fagots et les apporter au couvent sur son dos, s'arrêtant en chemin aux heures consacrées, pour prier et louer le Tout-Puissant.
Pourtant de plus en plus humble et conscient de son infériorité, le brave moine désespérait d'être aimé du Ciel et de lui faire honneur. Il s'en ouvrit au père supérieur :
- Je n'ai pas la taille avantageuse, la voix douce, le regard assuré. Quiconque me voit a grande pitié des serviteurs de Dieu s'il en juge par ma mine misérable. Quand je donne à un pauvre, mon obole ne lui apporte guère, et quand je soigne un malade, je ne lui garde pas toujours la vie.
Bon père supérieur, autorisez-moi à faire le pèlerinage en Ville sainte, afin de prier la Très Sainte Mère de Dieu, qu'elle plaide ma cause si coupable auprès de son Fils bien-aimé.
Sa demande fut encore exaucée et le père Angelys, avec pour tout bagage un bâton de pèlerin, s'engagea sur le long chemin menant à Jérusalem...
A quelque temps de là, il dut traverser un grand désert, mais il eut la chance de rencontrer deux moines augustins qui voulurent bien accepter sa compagnie.
Un soir, ils arrivèrent harassés à une cabane en torchis où ils décidèrent de passer la nuit.
La journée avait été pénible, chaude et longue. Pour ranimer leurs forces, ils avaient une demi-gourde d'eau, mais pas la moindre bouchée d'aliment solide.
- Qu'à cela ne tienne... Dit un augustin... Je vais dire la bonne prière...
Il se retira alors dans un coin de la cabane, marmotta quelques paroles et soudain, miraculeusement, une grosse miche de pain apparut dans ses bras...
Frère Angelys, éberlué, contemplait la scène, admirant la puissance de la prière mystérieuse, mais aussi la foi du récitant ! Comme il fallait qu'il fut aimé du Ciel pour obtenir cette grâce insigne...
Ah ! Ce n'est pas à lui, pauvre père Angelys, qu'un tel privilège eût été accordé ! Mais Dieu était juste et donnait à chacun selon son mérite.
A la deuxième étape du désert, la même scène se reproduisit... L'autre augustin s'agenouilla dans un coin de la cabane, murmura une prière et la miche dorée surgit du néant...
Le père Angelys loua Dieu pour ce nouveau miracle, loua ses compagnons, loua le monde entier, fit son acte de contrition et mangea du bon pain de froment.
Le troisième soir, il n'y tint plus et supplia humblement ses compagnons de lui apprendre la prière miraculeuse, adressée bien sûr à un bienheureux tout-puissant sinon à Dieu lui-même...
- Dieu nous n'osons !... Dirent les augustins... Quant aux bienheureux, ils ne peuvent, mais nous implorons un saint moine qui coupe les fagots dans la forêt du Grand-Mont. Il est certainement le fils chéri du Seigneur, car il réalise tous les miracles qu'on lui demande... Il s'appelle le père Angelys... | | |
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