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Le mal du siècle : elle

Une fille qui vit dans ce siècle.


Sa seule limite, c'était elle. C'est elle qui jugeait le bien, qui jugeait le mal, elle décidait qu'elle avait raison quand les autres ont tort. Elle se lève le matin, ou plutôt à une heure incertaine de l'après-midi. Elle est encore assommée de ses soirées, elle a la bouche sèche. Elle ne va pas vers ses cours, ils sont entassés, une sorte de capharnaüm infernal dont elle seule connaît la logique qui est de ne pas en avoir. Que manger ? Y a bien le reste de pâte collé d'hier soir, avec un jus d'orange et du café ça passera très bien. Les cours ne sont plus pour elle qu'une vague notion, elle n'y va plus, parce que c'est elle qui décide quand elle y va. Elle a toujours été comme ça, les règles c'est elle qui les impose, personne d'autre. Elle pourrait bien rejeter la faute sur ses parents, divorcés, pas vraiment présents spirituellement, pas vraiment autoritaires. Mais même si ils avaient tenté n'importe quelle pression sur elle, elle s'en serait défendue avec d'autant plus de vigueur et d'arguments que son jeune âge lui permettait. Elle se regarde dans le miroir.
Elle sourit au monstre qu'elle tente de faire d'elle-même, les cheveux en bataille comme tous les matins qui attestent de ses nuits courtes et agitées. Elle inspecte ses cernes incrustés, et cet air insolent qu'elle porte comme un masque, avec les yeux plissés et un rictus en coin.
Plutôt pas mal se dit-elle. Elle vogue vers son ordinateur, son unique source d'apprentrissage si on compte les livres empilés dans sa chambre, les discussions décousues qu'elle peut avoir au fil de ses rencontres et sa notion de la philosophie.
Sa vie, c'est vraiment pas un conte de fées, mais elle l'aime comme ça.


Les livres, ses amis de toujours, lui montrent plus ou moins la lumière, la guident même dans les tâches les plus quotidiennes qu'elle n'a jamais apprises.
Puisque que personne ne lui montre le chemin, à elle de se l'approprier avec la force exceptionnelle que lui donne ce petit corps qu'elle s'acharne à abîmer.
Elle, elle comprend toute la profondeur d'un livre. Elle comprend la profondeur de la vie, et son inutilité. On va tous crever lui avait-dit une de ses rencontres.
Alors profite de la vie. Ne t'inquiètes pas, elle applique toujours ses principes. Avec une placidité inexorable, elle s'acharne à faire tout ce qu'elle dit.
C'est comme si elle cherchait à mettre de l'ordre dans le chaos du monde qu'elle se représente. Elle allume sa cigarette qu'elle a consciensement roulée, oui, elle a la valeur de l'argent, c'est pas papa et maman qui nourissent la bête. Paraît que c'est si six fois plus nocif qu'une industrielle, tant mieux se dit-elle.
La cigarette et elle, c'est le même rapport qu'avec sa soeur inconnue, celle au reflet parfait dans le miroir. C'est son rapport à la vie qui s'exprime dans les volutes de fumée qu'elle expire. Elle fume beaucoup, mais le pire c'est l'enchaînement morbide de ses cigarettes. Pas encore éteinte qu'elle se sent obligée d'en rallumer une autre. Pourquoi un tel geste ? Elle n'a jamais pu vraiment l'expliquer. Elle pense que c'est avoir la diffusion de nicotine en continu, que ses neurones réclament, sa récompense mais qui durerait sans jamais s'arrêter. Elle pense qu'inconsciemment elle veut se flinguer la santé, juste pour voir ce que ça fait d'être malade. Elle ne l'est jamais, au grand dam de ses absences qui doivent être soigneusement inventées et variées. Elle pense aussi qu'elle aime sa voix après avoir fumé à outrance, une espèce de raucité dans la voix qui ajoute à son charme. Alors elle s'amuse à chanter ses chansons préférées juste pour s'écouter, pour se contenter de cette joie éphémère.

Bref, elle pense beaucoup. Elle n'envoie pas de textos à sa meilleure amie, une écorchée vive elle aussi. Elle sait qu'elles s'aiment et que ça dépasse les conventions.
L'ennui ne la submerge pas, elle est tellement bien en tête à tête avec elle-même. Elle n'est pas misanthrope, elle adore les hommes au contraire.
Les Hommes et les hommes d'ailleurs, son petit pêché mignon, ses petits jouets en plastique. Si elle avait eu un coeur, elle aurait pu vraiment les aimer au sens du divin, de la pureté de cristal du premier amour. Connaît pas. Séduire, jouer, provoquer, se battre, ça oui elle connaît, le tout dans un cycle sans fin.
Sa vie n'est qu'une succession de rupture qu'elle provoque plus ou moins volontairement. Rupture, oui c'est ça. Décalage aussi. Tout décaler, sa vie c'est être là ou on ne l'attends pas. Une beauté qu'il faut gâcher par risque de s'attirer les foudres du monde et les désirs les plus malsains. Une intelligence qu'il faut noyer dans l'alcool, s'abrutir et se mettre à leur niveau médiocre pour ne pas détonner dans le paysage merveilleux de la société qui anihile les ambitions les plus nobles.


Elle décide de sortir, de dépenser non pas l'argent de poche quotidien, mais l'argent qu'elle a économisé sur sa bouffe, quitte à manger à ce qui ressemble étrangement à de la pâtée pour chien. Ce qu'elle aime quand elle sort, c'est sentir un soleil si puissant qu'il lui brûle la peau, se faire emporter par le vent qui l'étourdit, et être complètement trempée par une pluie pesante. Etre à l'extrême, atteindre ses limites, elle en a fait sa religion. Même pas baptisée, elle ne peut pas se revendiquer athée.

Son moment de prédiléction, c'est la nuit. Car elle seule décide si elle dort ou non. Quoiqu'il arrive c'est une chose qu'elle maîtrise. Sortir la nuit pour une fille, c'est défier le monde. Elle n'a peur de rien, autant qu'elle s'en souvienne.
Ou si elle a eu des peurs, elle s'est lancée éperdument dans la course pour les tarir.
Elle défie les gens de la regarder, de la juger, de la poursuivre. La nuit lui offre sa panoplie de distractions, de rencontres au gré du hasard. Elle en profite sans se demander si ce qu'elle fait est bien ou mal, il n'y a pas de vérité universelle.
Elle s'efforce quand même d'être un minimum distinguée, mais si ils savaient au fond comme elle s'en contrefiche. Les conventions elle l'a déjà dit, n'ont pas de valeurs à ses yeux, la hiérarchie non plus. Fille auto-proclamée du nihilisme. Elle prend de la féminité juste ce qu'il faut, la mutinerie adorable, es yeux langoureux et la douceur, et elle prend de la masculinité ce je m'enfoutisme carastéristique, son franc-parler dévastateur et cette inconscience face aux dangers. Une sorte d'alien, non pas unisexe mais très sexué. Elle est vide à l'intérieur.
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Re: Le mal du siècle : elle
Posté par nastasia01 le 01/09/2009 13:56:11
Je suis d'accord avec ta dernière remarque, c'est noté :-)
Re: Le mal du siècle : elle
Posté par innamoramento2 le 21/05/2009 22:28:29
Joli texte. Qui ressemble à beaucoup de filles d'aujourd'hui : le contre-coup de la révolution féministe.
Si je puis me permettre une légère critique, j'aurais terminé ce texte sur "Elle est vide à l'intérieur", sans rien ajouter. Tout a été dit.

Continue !
Re: Le mal du siècle : elle
Posté par cissoux le 15/05/2009 20:43:55
J'aime beaucoup ta façon d'écrire, de décrire.
Re: Le mal du siècle : elle
Posté par nastasia01 le 15/05/2009 19:28:56
Comme toujours dans mes textes, les personnages relèvent de la fiction pure... Même si pour le coup, je me suis inspirée un peu de moi cette fois-ci :)
Re: Le mal du siècle : elle
Posté par nana8014 le 09/05/2009 18:07:50
je crois k'elle vis heueusepuisqu 'elle satisfaite de sa personne donc elle n'a qu'etre heureuse
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L'auteur : Lucie .
35 ans, France.
Publié le 03 mai 2009
Modifié le 01 septembre 2009
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