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La restauration sur Londres

Partant découvrir Londres, j'ai passé ces huit derniers mois dans un endroit magique. Nous avons peut-être devant nous la genèse du cynisme.


Je veux vous parler d'un endroit magnifique. Pour ne pas dévoiler son nom nous l'appèlerons "Une rue du Bardlom".
Sachons apprécier la beauté de ce milieu. Je vous parle d'un héritage de notre patrimoine, une hiérarchie d'une rare pureté qui n'est pas sans rappeler notre, tant regrettée, société féodale.

Remémorons-nous cette belle époque où le souverain pouvait disposer de ses sujets comme bon lui semblait. Cette délicieuse terreur qui coulait dans les veines des serfs insoumis.
C'est avec nostalgie que nous retrouvons les vestiges de cette société. Bénis soit le milieu de la restauration.
Naturellement, la direction applique la règle d'or de tout bon chef : "diviser pour mieux régner." On crée donc une pléthore de postes différents tous ayant leur petit pouvoir sur la classe d'en dessous : un responsable manager qui sera assisté par des managers, eux-mêmes assistés par des assistants managers qui conseillent les maîtres d'hôtel qui donnent des ordres aux serveurs en chefs qui crient sur les serveurs, qui crachent sur les chefs commis, et chient sur les commis, plongeurs (et je me demande même, s'il n'y a pas des chefs plongeurs).
Chacun peut ainsi, insulter à volonté son subordonné, l'imagination comme unique limite. Cela va du classique "ça va grosse feignasse, encore en train de glander ?" au plus recherché "tiens, t'as une dégaine d'éboueur aujourd'hui."
Chacun peut se délester des tâches qu'il n'aime pas sur la classe inférieure.
Là aussi il y a le classique "descend la poubelle", le vicieux "pendant ta pause tu vas polisher derrière le miroir" et le plus inventif (en tant que bleu j'y ai eu droit) "va chercher un ramequin de cyprine pour la six."
De là peuvent naître des combinaisons : "tiens, dégaine d'éboueur, descend donc la poubelle."
Mais pour que chacun soit heureux chaque poste se voit attribué sa propre prérogative... Plus on monte dans la hiérarchie, plus la valeur monte : piquer des frites, piquer des petits fours, piquer du fromage, piquer du vin, piquer un roupillon, piquer dans la caisse.


Vous êtes alléchés ? Vous voulez y faire votre carrière ? Voici l'attitude à adopter...

La restauration, étant un des derniers milieux professionnels où le salarié est vraiment traité comme une merde, votre réussite dépend de votre capacité à vous comporter comme tel. Il vous faut donc être le premier à nettoyer la sainte merde derrière le chef, être le premier à essuyer avec le sourire quand quelque chose tombe part terre. En fait, il faut aimer le contact de la merde et accessoirement celui du vomi lorsqu'il faut nettoyer les toilettes.
Il est de bon ton d'être plus bête que son supérieur hiérarchique, de cette façon il a vraiment l'impression d'être supérieur à vous... Au moins sur un point. Chaque jour, réfléchissez donc à quelque chose de vraiment con à lui dire... Si vous ne trouvez rien, ne lui racontez pas une blague de toto, contentez-vous simplement de répéter quelque chose d'extrêmement stupide que vous l'avez déjà entendu dire.
Plus à un niveau technique : il est déconseillé de penser, question de coordination. Le chef est le cerveau, les assistants sont les bras. Malheureusement, il arrive souvent que, dans la pratique, le cerveau soit hydrocéphale ou le corps manchot. Cependant, cette organisation étant la seule connue (peut-être du à la présence d'un grand nombre d'hydrocéphales à la direction) elle est la seule appliquée. La meilleure technique à adopter pour monter en hiérarchie reste donc de foncer comme un bovidé britannique (atteint d'ESB si vous voulez faire partie de l'élite) et exécuter sans réflexion ce que les tâches vous demandent.
Bon, je sais ce que vous allez me dire, les nouveaux cerveaux de la hiérarchie sont ceux qui sont montés, ceux qui étaient bon... Ceux qui fonçaient comme des bœufs sans réfléchir.
Ceci pourrait expliquer que certains managers ne soient pas atteints d'hydrocéphalie, mais qu'ils soient simplement très cons.
Ne nous hâtons pas de porter un jugement trop subjectif, laissons la parole à un dirigeant :
"-Chef, à propos de l'organisation du... ?
-Ta gueule, petit con ! Ça fait 40 ans que je bosse dans la restauration, c'est pas toi qui va m'apprendre mon boulot !"
Hum...


Fort heureusement, toute cette équipe reste très unie face au client.

En cuisine, chacun trempe joyeusement son doigt dans tout ce qu'il trouve intéressant à goûter. De cette manière, chaque sauce est délicatement imprégnée de la bave de chaque cuisinier.
Messieurs les serveurs, ici vous n'êtes pas au mac-do : il est donc inutile de cracher dans la nourriture, c'est déjà fait pour vous.
Si vous êtes un client malchanceux, votre plat peut tomber par terre avant de vous être servi, vous pourrez ainsi goûter les semelles de chaussures de tout le personnel.
Mais la perle de la cuisine reste d'après moi la réutilisation des restes, dans votre assiette vous pourrez alors trouver des feuilles d'algues qui ont voyagées dans 5 assiettes avant la vôtre sans être lavées... Pourquoi 5 assiettes, me direz-vous ? Parce que certains clients les mangent.
Les serveurs ne sont pas en reste. Ils font de très mauvaises blagues sur leur défaut physiques du style"tiens, tu vois ce gros cul à la 5 il va bouffer tout le pain, recommande en" ou bien "tu paries qu'il te demande si on fait des frites, le Peter André à la 14 ?" ou encore "elle t'excite la moustachue à la 11 hein ! T'imagine, si ça se trouve, elle est encore plus poilue en bas"
Il arrive très souvent, organisation oblige, que des surnoms soient donnés aux clients.
Ainsi un "connard" sera un client exigeant; à ne pas confondre avec un "ils arrivent quand nos connards." qui désigne un client retardataire. De la même façon, un "enculé" terme pour VIP est différent d'un "ils vont se barrer quand ces enculés." désignant des clients restant jusqu'à la fermeture. Enfin "ben voilà l'autre con" désignera un habitué tandis que "putain il manquait plus que lui" désignera un des chefs venant manger au restaurant.

Amis de la bonne bouffe, vous aimez aller manger au restaurant ? Mon conseil, ouvrez vos yeux sur le cadre harmonieux qui vous entoure... Et évitez de saucer.
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Re: La restauration sur Londres
Posté par ludwing.von le 30/04/2006 10:58:16
je n'aime plus le restaurant :)
Re: La restauration sur Londres
Posté par chandlermbiing le 06/04/2005 21:46:17
c'est plus une satire... c'est à dire une façon de raconter de façon humoristique une REALITE qui pousse au cynisme.
Re: La restauration sur Londres
Posté par la_poole le 06/04/2005 20:20:04
jsé pas comment le prendre, c'est classé dans "humour", ça veut dire que t'en rajoutes ?
en tous cas : clap clap, ça m'a plu
Re: La restauration sur Londres
Posté par margo 008 le 02/04/2005 20:55:37
Mes parents sont restaurateurs et on habite juste au dessus du resto... et ta description est super! vraiment! J'ai adoré! Un second souffle dans tes articles! vraiment genial!
Re: La restauration sur Londres
Posté par elodelu le 30/03/2005 19:18:31
Exellent, chandler!
Ce texte est tout à fait chandlerien, dans tout ce que la chandlerisation comporte de cynisme!
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L'auteur : Chandler Bing
42 ans, Rennes (France).
Publié le 11 mars 2005
Modifié le 15 février 2005
Lu 3 716 fois

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