| La femme floueAprès deux albums dans le registre réaliste, Dumontheuil revient avec "La femme floue" à l'absurde et à la fantaisie, qui lui vont si bien...Un homme qui "ne sait rien de lui-même" erre avec son cheval dans un monde où étrangement l'hiver dure depuis neuf saisons. Notre héros passe toute son existence à regarder une photo de femme, usée à force d'être regardée. Pour son malheur, sa photo est volée par Barbe le renard. Débute alors la quête de cette photo et de cette femme, qui selon la rumeur serait la "femme floue", la femme dont chacun rêve. Le périple de notre voyageur le conduit jusqu'à la "maison qui n'existe pas". Le lecteur est plongé dans un univers où tout est possible, "tout puisque ça n'existe pas !"...
Les BD de Dumontheuil semblent bien souvent partir du constat que nous vivons dans un monde tordu. La vie est une gigantesque farce, d'où l'impression de nager en plein absurde quand on lit La femme floue. Toute une galerie de portrait des plus loufoques nous est présentée : un héros sans nom à la recherche de la femme sur sa photo, des animaux parlant, un cheval dont il ne reste que la tête, une femme floue qui suscite la jalousie d'une impératrice que personne n'a jamais vue... Dumontheuil construit donc un univers fonctionnant selon ses propres lois, sa logique interne, folle, absurde mais inattaquable. Ses personnages sont souvent ballottés par l'existence et repoussés dans les retranchements de leur propre "normalité". L'auteur mène ses personnages semi-ahuris dans les zones les plus improbables de l'absurde. Il aime les décalages, d'où certainement l'existence de la salle des masques, où l'on prend l'apparence d'un autre tant que l'on réside dans "la maison qui n'existe pas." De plus, le récit est émaillé de situations cocasses et assaisonné de cruauté. Puisque la cruauté est partout, autant s'en amuser. Si cette BD paraît si libérée et si folle, c'est peut-être parce que l'auteur s'est laissé porter par son intrigue de départ : "La femme floue raconte une histoire totalement improvisée au fil du dessin, sans scénario écrit à l'avance. Je suis simplement parti d'une situation donnée, composée de quelques éléments simples – un personnage d'homme à cheval dans la neige, la photo très usée d'une femme mystérieuse – et à compter de ce moment, j'ai laissé les choses arriver... Le processus de travail est resté très spontané, l'inconscient y tient une grande place." (interview dans Castermag)
On s'amuse aussi beaucoup avec la multitude de clins d'œil et de références : la danseuse de cabaret, mixte de Joséphine Baker et de Betty Boop, est irrésistible.
Le dessin de Dumontheuil est évidemment anti-conventionnel et plein d'humour. En forçant le trait sur les visages, il cherche un dessin à la limite de la caricature. Mais qui mieux que l'auteur peut nous parler de son travail : "Mon dessin est intentionnellement simplifié, je n'ai même pas réalisé de crayonnés pour le premier des deux volumes. L'un de mes grands plaisirs a été de dessiner tous les animaux qui peuplent l'histoire de La femme floue, et de les faire parler : la tradition animalière est plutôt un classique de la bande dessinée, et pourtant je ne m'étais jamais aventuré sur ce terrain. Finalement, je peux dire que l'ensemble de ce travail a été un exercice de liberté absolue. Mon unique contrainte a été de devoir "tenir" dans la pagination prévue." (idem) Le trait dans ce nouvel album, est tout en rondeur, en courbe, pour mieux nous plonger dans ce monde onirique.
Pour lire en entier l'interview de Dumontheuil à Castermag et visualiser les six premières planches du premier album, rendez-vous sur le site de Casterman : http://bd.casterman.com/
Série : La femme floue
Titre : Tome 1 – La maison qui n'existe pas
Auteur : scénario et dessin de Dumontheuil
Editeur : Casterman
Collection : Un Monde
Du même auteur
Chez Dargaud :
- L'enclave
Chez Casterman :
- Le Singe et la Dame Blanche
- Qui a tué l'idiot ?
- Le singe et la sirène
- Malentendus | | |
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