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Il avait promis de ne plus recommencer

En blouse blanche, allongé sur le carrelage froid de sa chambre, assis dans la position du fœtus, Mathy répète sans cesse "Il avait promis de ne plus recommencer, il avait promis... ". C'est l'alerte générale à l'institut Standfordbrigde !


Mathias la regarde : qu'elle est belle !
Il l'admire. Sa peau est douce comme celle d'un bébé, il la sent de ses mains. Il prend sa joue et la pose contre la sienne. Parce qu'il aime sa compagnie, il est resté, là, deux jours entiers, assis à ses côtés, sans bouger.

Puis un jour, il se lève en sursaut et contemple son beau visage :
"Il faut faire quelques chose de ces cheveux" pensa-t-il.
- "Tu est belle ma Sandy ! Mais je vais t'arranger un peu tout ça. Tes cheveux sont trop longs, ce n'est pas joli ! Je n'aime pas ! Avec les ciseaux, je vais les raccourcir, de quelques centimètres seulement... Tu me promets de ne pas pleurer ?"
Il lui parle mais elle ne répond pas. Un coup de ciseaux, puis un deuxième, et un troisième... Ce n'est pas droit ; Mathias n'arrive pas à les égaliser. Il continue tout de même. Et là, il s'arrête net : à sa grande surprise il constate que Sandy est chauve. Alors il s'énerve. Les mèches tombées, une à une sur le sol, il les piétine !! Saute dessus !
- "Regarde ce que tu as fait Sandy ! T'es contente de toi, je suppose ! A force de bouger la tête m'a tout fait rater ! T'es laide maintenant ! Vilaine fille ! Vilaine !"
Sandy n'avait pas bougée de sa chaise. Avec son outil il lui tape sur le crâne. Une fois, deux fois, puis trois ... "C'est ta faute tout ça !" ajoute-t-il les yeux plein de larmes. Il jeta les ciseaux à terre et couru se réfugier dans le placard, sous les escaliers qui mènent à l'étage, pour ne pas qu'elle le voit pleurer. Pourtant il sait que Sandy a les yeux fermés... Se balançant d'avant en arrière les genoux recroquevillés sur la poitrine, il s'excuse auprès de la jeune fille, s'accusant de tout ce qui venait de se produire.

Avec ses manches, il essuie son visage tout mouillé. Voilà un quart d'heure que Mathy demeure immobile seul dans le noir. Là bas, il ne fait pas très chaud, alors il commence à renifler, à frissonner. Faute de mieux, il se mouche dans son pull-over. Finalement il se décide à sortir : timidement il ouvre la porte. Elle grince. Il s'immobilise net tel un enfant qui vient de faire une bêtise et qui, essayant d'échapper à sa punition, ne veut pas être découvert. Il tend l'oreille pour écouter les éventuels pas de Sandy dans le couloir. Rien. Sur la pointe des pieds il sort du placard et s'en va se promener dans les bois, laissant la jeune fille toute seule.

Depuis trois jours Sandy est assise dans sa même chaise, immobile, les yeux fermés.



Le lendemain...

"Il avait promis de ne plus recommencer, il avait promis... Pourtant il l'a fait ! Pourquoi a-t-il menti ??". En blouse blanche, allongé sur le carrelage froid de sa chambre, assis dans la position du fœtus, Tonino, les yeux pleins de larmes, hurlait, cette même phrase, sans cesse. C'est l'alerte générale à l'institut Standfordbrigde !
La nuit dernière, la police l'avait retrouvé pieds nus, errant, dans les bois. Qu'y faisait-il là, seul ? Il criait après un homme pour qu'on lui rende sa Sandy. Mais autour de lui, personne. Parce qu'il semblait totalement désorienté et inconscient, la police l'amena à l'institut.

Chose étrange, il tenait des ciseaux à la main...

Les médecins affirmèrent aux policiers que, Tonino Everson, patient à l'Institut Psychiatrique de Standfordbridge, depuis maintenant deux ans, n'avait aucune famille, aucun ami et par conséquent ne connaissait aucune Sandy. Quelques fois il s'inventait des personnages, mais rien de grave...

Pensent-ils...


Aucune rechute en deux ans !

Comme chaque jour à la même heure, le médecin en chef vient prendre des nouvelles.
Tonino avait fait beaucoup d'efforts depuis trois mois. Il affichait une réelle volonté d'évolution et d'insertion dans le monde de la vie active. Tout le personnel hospitalier l'avait bien remarqué. Le psychiatre vint justement le féliciter :
- Alors Tonino, comment te sens-tu aujourd'hui ? Tu sais qu'en ce moment tu fais de très gros efforts. Avec tout les gens qui s'occupent de toi nous avons prit la décision d'avancer la date de sortie que nous t'avions accordé. Voilà les papiers d'autorisation de sortie signés.
- Cela signifie donc que je ne vous reverrai plus ? Je dois donc vous dire adieux ? Merci pour tout et Adieux monsieur. Ce dernier sourit. Avant de le quitter il lui serra la main. Tonino pouvait maintenant boucler ses valises définitivement ; il était complètement guérit. Les médecins le jugeaient apte à faire sa vie, à vivre parmi les autres, sans se mettre en danger et sans leur faire le moindre mal.
Toute l'équipe se félicitait. Elle pensait même présenter le cas de ce patient au Congrès Annuel de l'Ordre les Médecins.

Le psychiatre parti, Tonino rassembla le peu d'affaires qu'il possédait et les plaça méticuleusement dans un sac, posé sur son lit. Chaque vêtement avait sa place. C'était un homme ordonné. Son bagage prêt, une petite boîte rouge restait à côté. Il attendait la visite de celle qui pendant cinq ans avait été son infirmière attitrée.

Assis sur une chaise, se balançant d'avant en arrière les genoux recroquevillés sur la poitrine et entourés de ses bras, il fixe cette petite boite rouge, posée sur le lit.
Il fronce les sourcils. Ses mains se mettent à trembler. Les battements de son cœur s'accélèrent. Il se lève précipitamment. Va chercher cette boîte. La pose sur la commode.
Et, d'un pas lent, s'en va se rassoire sur sa chaise. Là, il fixe à nouveau le petit paquet.
Il fronce les sourcils. Ses mains se remettent à trembler. Les battements de son cœur s'amplifient. Il se relève précipitamment. Va chercher cette boîte. La pose sur la télévision. (Il avait eu le droit à sa propre télévision, chose rarissime dans un institut psychiatrique.) Là encore ça ne lui convient pas ; alors il scrute tous les endroits possible de la pièce où poser ce paquet, un à un : le lit, non, la commode, non, la télévision, non plus, la table, encore moins... Finalement il la posa sur le sol, au milieu de sa chambre. Les mains sur l'assise de la chaise, les pieds sur les barreaux, il regardait la petite boîte rouge d'un air soulagé, décompressé.


Nous sommes au printemps, dehors les oiseaux chantent. Par la fenêtre ouverte, Tonino sent le petit vent et les rayons du soleil sur sa nuque ; C'est un beau jour pour sortir.
Alors qu'il avait les yeux fixés dans le vide, il senti des petits chatouilles sur sa main. Une jolie petite coccinelle se promenait. Sur le visage du jeune homme, un sourire se dessina, ses yeux brillèrent. Il était subjugué !
L'infirmière entra. Tonino leva la tête et lui sourit. Il ressemblait à un petit enfant tout émerveillé de la découverte qu'il vient de faire. C'était bien la première fois que Magdalena, son infirmière attitrée, le voyait dans un tel état de bien être. Parce qu'il avait retrouvé les plaisirs simples de la vie, elle savait qu'il était enfin guérit. Et cette idée lui réchauffa le cœur.
Aujourd'hui Tonino allait sortir par la porte d'entrée, fini les excursions nocturnes dans les bois, les sorties en cachette par la fenêtre.
Il sortait libre !

- Je vous aime bien mademoiselle, alors pour vous, voici un petit cadeau. Ah non ! Ne pleurez pas je vous en prie. Tenez mon mouchoir.
Il la serra dans ses bras.


A voix basse il murmura : "vous êtes jolie comme un cœur ... "

Et ajouta : "Vous êtes toute belle, pleurer fera couler votre maquillage et ce ne serait pas joli. Vous en convenez ! Aller ! Il est temps pour moi de partir maintenant. Je ne vous oublierais jamais... J'allais oublier, le paquet, ouvrez le dans une semaine jour pour jour."
La jeune femme sourit. Il ne lui avait pas laissé le temps de dire un mot ; qu'il était déjà devant la porte, au bout du couloir son bagage à l'épaule.
Il se retourna une dernière fois, sourit – les médecins, l'avaient jugés apte à vivre en communauté, il était guérit... - Il poussa la lourde porte de l'institut. Sur le palier, il s'arrêta pour sentir le soleil sur son visage et respirer l'air frais. Adieu Standfordbridge ! Et disparu direction l'aéroport.

Comme convenu, une semaine plus tard, Magdalena ouvrit le petit paquet rouge que Tonino lui avait remis avant de les quitter. Elle défit le nœud et souleva lentement le couvercle.
Là, elle recula d'un bon. Son cœur palpitait à un rythme infernal dans sa poitrine. Difficile pour elle de reprendre son souffle. Elle se rapprocha timidement pour mieux voir le contenu de la boîte. Non elle ne rêvait pas, elle en vomit. Le téléphone sonna. Inconsciente, elle décrocha.
Tonino Everson :



Vous souvenez vous de ma petite Sandy ?
Elle m'avait offert son cœur,
Cœur qui est à vous...
Maintenant.
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Re: Il avait promis de ne plus recommencer
Posté par ablueangel le 22/10/2006 16:56:39
J'ai adoré ce texte...tu nous tiens en haleine du début à la fin...c'est digne d'un véritable roman....
J'espère pouvoir encore lire tes textes
Bonne continuationi..
bises
Re: Il avait promis de ne plus recommencer
Posté par tificreole972 le 17/04/2006 23:51:07
Salut kealis jai beaucoup aimé ton histoire, c t trop bien mais vraiment morbide à la fin koi. En fait tu écrit bien et c t bien lol voilà bonne continuation...
Re: Il avait promis de ne plus recommencer
Posté par meony le 28/12/2005 13:59:39
C'est bien écrit et bien trouvé, j'adore ! Surtout continue !
Re: Il avait promis de ne plus recommencer
Posté par blackghost le 01/12/2005 19:00:32
J'ai bien aimé. La phrase "Il avait promis de ne plus recommencer, il avait promis... Pourtant il l'a fait ! Pourquoi a-t-il menti ??" m'a particulièrement touché. Bonne continuation.
Re: Il avait promis de ne plus recommencer
Posté par kealis le 01/12/2005 11:42:00
merci windowman et capoeriste ^^
chimounou --> En fait Mathias et Tonino sont une seule et même personne; Mathias c'est l'autre Tonino ...
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L'auteur : Lucie K.
35 ans, Nogent (France).
Publié le 30 novembre 2005
Modifié le 06 novembre 2005
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