| Existe-t-on encore après avoir eu un enfant ?Bien sûr, ce n'est pas politiquement correct, mais la question vaut d'être posée !Avoir un enfant
Dans le meilleur des cas, l'enfant est souhaité par chacun des deux parents, attendu, désiré. Il est alors l'incarnation de l'amour qui unit les conjoints, source de bonheur, nouvelle étape dans la vie du couple et renouveau de la manière d'appréhender la vie. C'est effectivement ce à quoi nous nous attendions ma femme et moi, et c'est bien ce que nous expérimentons depuis près de 6 mois. Néanmoins, il faut mettre fin à une hypocrisie : avoir un enfant n'est pas qu'une partie de plaisir ! La fatigue physique et morale d'être sollicité jour et nuit, en plus de nos charges et occupations habituelles, la frustration et le sentiment d'impuissance devant les pleurs de ce petit être qu'on ne parvient pas toujours à calmer et les doutes que l'on a quant à notre manière de répondre à ses besoins sont autant de souffrances inédites auxquelles on s'est d'autant moins préparé qu'on ne nous dit jamais que cela peut être si dur, d'autant plus dur qu'on n'a ni le droit de se plaindre ni celui d'échouer.
Le début de la désintégration sociale
Pendant toute la grossesse, les parents sont l'objet d'une curiosité et des soins bienveillants de tout leur entourage, proche et moins proche : "Comment se passe la grossesse ?", "Est-ce qu'on est impatient ?", "Est-ce une fille ou un garçon ?", "Est-ce qu'on réalise ?"... Bref, on devient soudain intéressant pour tout le monde, ou en tout cas plus visibles et dignes d'intérêt que lorsqu'on n'était que nous-mêmes. Et c'est le début de la désocialisation.
Enfin, avec l'accouchement vient le fatal et dernier "Alors, qu'est-ce que ça fait de devenir papa/maman ?". Dans mon cas, c'était un grand moment de bonheur, mais aussi un glissement tout-à-fait naturel vers le rôle de père ; je suppose que, pour d'autres, la transition n'est pas nécessairement évidente. Toujours est-il que dès lors que le petit a quitté le ventre de sa mère, il agit comme un trou noir dans le monde des parents, attirant vers lui toute la matière et toutes les énergies.
Les deux camps de la mort sociale
Le petit chéri livré avec tous ses accessoires emplit de fierté et de contentement ses deux parents, bien entendu, mais, dans le même temps, il les plonge dans les affres de la souffrance parentale décrite plus haut. Au bout de quelques semaines d'étouffement bienheureux dans le chaud cocon de la découverte mutuelle entre parents et enfant, les parents, ex-non-parents, retrouvent peu à peu le goût des sorties, du monde, des amis. Mais voilà, on n'est plus soi-même : on en a été dépossédé par le petit être issu de nos entrailles, ou plutôt par ceux qui nous regardent de l'extérieur et qui nous croient changés par cette naissance. Face à ce séisme intime qu'est l'arrivée d'un enfant, ce sont les autres qui sont secoués, et qui se divisent en deux clans : ceux qui ne s'intéressent plus qu'au nouveau-né (généralement la famille) et ceux qui n'osent plus vous inviter ou vous fréquenter (généralement les amis), que ce soit par respect de votre supposé besoin d'isolement, par gêne à l'idée de devoir accueillir en plus ce petit inconnu, ou par refus de se laisser envahir par une expédition puériculturelle. Dans ces deux cas, c'est donc une mort sociale programmée. D'ailleurs, cette mort sociale, ne l'a-t-on pas programmée seul en faisant de cet être nouveau notre nouvelle priorité, déclassant de fait tous les autres humains de notre cercle ?
Solution(s) ?
Face à ce handicap social qu'est la parentalité, deux voies s'ouvrent à nous : que nos proches comprennent qu'on n'a pas changé avec la venue du petit, ou que nous parvenions à le leur faire accepter, ou bien, résignés, que nous reformions un cercle social composé exclusivement d'exclus parentaux comme nous. Mais, cette réintégration sociale, la souhaitons-nous vraiment ? | | |
|
|
Connectés : 0 membres et 480 visiteurs |
|
|