| Eva"Eva", ou comment faire en BD un thriller psychologique sur la gémellité, l'inceste, et le dédoublement de la personnalité...Etrange maison que celle où débarque Neige, coincée en pleine campagne par une panne de voiture. Elle demande de l'aide aux résidants de cette demeure totalement isolée, Eva paralytique, et son frère Yves, qui la soigne. Leurs relations sont pour le moins étranges, et l'atmosphère du lieu assez irrespirable, chacun tenant à mettre Neige en garde contre l'autre. Partagée entre la curiosité et la peur, Neige accepte l'invitation d'Eva à passer quelques jours en leur compagnie. Yves propose à Neige de visiter son atelier, où s'agite une foule de monstrueux automates, tous plus vrais que nature. Et qui rivalisent d'obscénité dans les propos qu'ils tiennent à Neige interloquée. Est-ce Yves, apparemment si courtois, si doux qui parle ainsi par leur bouche ? Quant à Eva, elle s'amuse à inventer des mises en scène d'un goût pour le moins douteux. Malgré tout, Neige ne se résout pas à partir. Elle découvre bientôt que les jumeaux entretiennent des relations incestueuses. Pourtant, Neige ne tarde pas à céder aux avances de Yves. Ce qui, bien sûr, n'est pas pour plaire à Eva. Avide de percer le secret qui lie le frère et la sœur, Neige retourne, de nuit, dans l'atelier où Yves construit ses automates : elle veut examiner de près l'album de photos qu'elle a entr'aperçu, et qui porte un titre étrange : Yva... Tout cela devient décidément bien étrange et inquiétant...
Eva est initialement parue en 1985. Casterman a réédité cette œuvre en août dans la collection "Classiques". Dès les premières images, s'impose la "griffe" Comès, avec une intrigue serrée et une tension palpable tout au long de la lecture. Nous sommes confinés dans une maison isolée, où le drame va se jouer à trois. A trois ? Qui sait ? Avec un art consommé, Comès brouille les pistes, jette le doute, nous entraînant presque malgré nous dans son théâtre d'ombres. La clé de l'histoire et la toute fin sont assez surprenantes.
Encore une fois, Comès s'ingénue à dépeindre des marginaux. Yves et Eva sont en effet pratiquement coupés du monde et ne vivent que pour eux-mêmes. Dans Eva, comme dans La Belette ou encore dans Silence, on a affaire à un milieu fermé réagissant à l'arrivée d'étrangers. Neige s'immisce dans la relation des jumeaux et va en quelque sorte la détruire. Cette BD est une tentative intéressante d'introduire le lecteur au sein d'une tragédie intime. Les thèmes de la mort et de l'impuissance de l'homme face à la vie sont assez habituels chez Comès. Pour lui, nous sommes totalement démunis pour affronter les dangers et les aléas de l'existence. Ainsi, Yves n'arrive pas du tout à diriger sa vie. Il est toujours sous l'influence d'Eva.
La gageure de cette bande dessinée consiste à établir un huis clos sur une longue distance, quand la formule du "roman" en bande dessinée donne lieu, le plus souvent à des récits d'aventures. La forme "roman en BD" permet à Comès de raconter une histoire à son rythme, de nourrir le scénario en personnages secondaires (les automates de Yves), et de s'attarder sur les séquences d'atmosphère qui créent une véritable tension. Cet album est constitué d'à peu près 100 pages, divisé un sept chapitres pour ne pas trop lasser le public.
L'utilisation du noir et blanc dans Eva a entraîné une simplification du dessin de Comès. Ce dessinateur maîtrise parfaitement le trait linéaire et les aplats noirs. Eva comporte nombres de planches magnifiques avec des jeux d'ombres et de lumières. Le trait fin de Comès se reconnaît immédiatement, notamment les visages allongés de ses personnages.
Titre : Eva
Auteur : scénario et dessin de Comès
Editeur : Casterman
Collection : Classiques
Du même auteur
- Ergün l'errant (Dargaud)
- Silence (Casterman, réédité en couleurs en 2001)
- L'Ombre du corbeau (Le Lombard)
- La Belette (Casterman) | | |
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