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Chronique de l'album Amok d'Atoms For Peace

Analyse titre à titre de l'album Amok de Atoms For Peace, projet parralèle du chanteur de Radiohead, Thom Yorke.


Une petite contextualisation s'impose : voici enfin l'aboutissement d'un projet qui a fait fantasmer bon nombre de musicos avertis depuis ses premiers soubresauts en 2009 : la mise en place d'un SuperGroupe (appellation d'origine contrôlée) composé de Thom Yorke, frontman de Radiohead, du producteur éminemment respecté Nigel Godrich et du bassiste emblématique des Red Hot Chili Peppers, Michael Peter Balzary alias Flea. Accessoirement, deux autres musiciens viennent compléter le line-up à la batterie et aux percussions, mais ne nous leurrons pas sur leur éventuelle influence. Effectivement, Atoms For Peace est avant tout le projet parallèle de Thom Yorke, lassé depuis longtemps des sons issus d'une guitare, et convaincu que l'electronica est la clé pour le futur de la musique. Son projet solo 100% électronique The Eraser (2006) avait laissé une impression mitigée : quelques compositions de premier ordre (Analyse, The Clock, And It Rained All Night, Harrowdown Hill) qui avaient par leur structure et leur énergie communicative aussitôt ringardiser les morceaux électroniques réalisés au sein de Radiohead ; mais aussi des titres ennuyants par leur minimalisme auto complaisant (Skip Divided, The Eraser et déjà un certain... Atoms For Peace). Or ce nouveau groupe a précisément vu le jour dans la perspective de jouer en live les compositions hors-Radiohead du prolifique songwritter, recyclant dans un moule electro bon nombre de titres qui circulaient depuis plusieurs années sur le net sans que l'on sache si l'on devait les considérer comme destinés au quintet d'Oxford.
La méfiance est de mise à l'arrivée de cet album. En vertu notamment des multiples versions live qui ont circulé depuis plus de trois ans, traduisant d'une qualité discutable et d'une créativité en berne. Limites renforcées par le piètre The King Of Limbs et ses huit titres paresseux publié par Radiohead début 2011, un album lancé comme un os à ronger par un groupe qu'il est devenu impossible de critiquer, tant à cause de sa horde de fans surreprésentée sur le net qu'à une presse conquise "par principe". Erreur de parcours ou début d'un déclin par manque d'imagination ? Amok apporte des éléments de réponse.

Piste 1 BEFORE YOUR VERY EYES... 5'47'*
Beaucoup d'espoirs au moment de lancer ce morceau d'ouverture. En effet, l'importance revêtue par la première plage de chaque album de Radiohead laisse augurer de choix artistique ne laissant rien au hasard. Instantanément, des images nous traversaient l'esprit à leur écoute et nous faisaient saliver pour la suite. Ici, l'immersion ne prend pas. On pense d'abord à des bruitages de jeux vidéo de plate-forme des années 90. Puis, alors que d'autres beats viennent progressivement se superposer, la bouillie devient indigeste. Le chant, que l'on a connu plus gracieux, se noie avec le reste.


Piste 2 DEFAULT 05'15'*1/2
D'entrée on est submergé par une jam incessante qui donne dans le sentiment d'urgence et de stress. On craint un nouveau titre tournant à vide, mais heureusement la voix fragile de Thom Yorke vient se poser au bout de 45 secondes. Elle se veut plutôt caressante que geignarde, reproche maintes fois essuyé par le chanteur. L'atmosphère s'emballe à partir de 1 : 30 avec les claviers prenant le dessus. On se prend à rêver d'une petite montée à la Analyse ou ne serait-ce à la Optimistic, il n'en sera rien. Les pièces du puzzle se remettent en place à 2 : 40 et cela repart sur ce même faux rythme. Les amateurs de boucles apprécieront, mais est-ce un titre dont on se souviendra une fois le soufflet retombé ? Assurément pas.

Piste 3 INGENUE 04'30'*
Avec son rythme fleurant bon les dédales sinueux, l'intro rappelle instantanément Pull/Pulk Revolving Doors (titre d'Amnesiac) mais la comparaison s'arrête là. La platitude gagne assez vite du terrain, au lieu d'être mis en valeur le chant est enterré sous les dissonances. On cherche encore la première mélodie de l'album, mais y'en aura-t-il seulement une ?

Piste 4 DROPPED 04'57'**1/2
Enfin un peu d'ambition avec ce titre où se succèdent différentes spirales rythmiques aboutissant à une montée vers un chaos certain. Toujours pas de mélodie franche et massive, mais pour un peu on reconnaîtrait une structure couplet/pont/refrain. Malgré la discrétion des instruments synthétiques, on tient, au sens noble du terme, la première "chanson" de ce disque.

Piste 5 UNLESS 04'40'*
Empilement de boites à rythmes sans intérêt dans sa première moitié, elle devient carrément insupportable à partir de 2 : 25 et l'irruption d'élucubrations sans la moindre ferveur.

Piste 6 STUCK TOGETHER PIECES 05'28'***
D'abord calme et sans aspérités, ce titre bascule dans une atmosphère envoûtante à partir de 1 : 43, les guitares sont enfin là et nous concoctent une mélodie proche de Reckoner (sur In Rainbows). Le croisement avec les sonorités électroniques est par ailleurs beaucoup plus propre et harmonieux que jusqu'alors. S'il y a un morceau à sauver de ce disque c'est bien celui-ci.

Piste 7 JUDGE, JURY AND EXECUTIONER 03'28'*
Voilà un morceau maintes fois travaillé et joué en live depuis quelques années, et dans les cartons depuis plus longtemps encore si l'on en croit sa présence en titre "secondaire" de Myxomatosis (sur Hail To The Thief en 2003). Son potentiel pop était ainsi apparu, mais il ne faut pas compter là-dessus en l'occurrence : boucles répétitives au premier plan, atmosphère fantomatique en fond et ersatz de mélodie sous cape. Ni basculement progressif de la section rythmique, ni accélération, ni effets de voix particuliers, il ne se passe décidément rien pendant ces près de 3 minutes 30.

Piste 8 REVERSE RUNNING 05'06'*
Petite mutation dans la structure générale avec ce morceau, les instruments traditionnels prennent enfin le pas sur les beats. Problème hélas, ils sont utilisés pour produire des sons aussi répétitifs et ennuyeux que ceux émanant des ordinateurs. La dernière minute bruitiste, rappelant un mauvais insecte vous tournant autour, n'arrange rien.

Piste 9 AMOK 05'24'*
Et voilà qu'on nous ressert le coup de l'ambiance post-apocalyptique avec ses ombres et fantômes, déjà ressassée à l'envie sur The King Of Limbs. Un morceau à la limite de l'audible tant il s'agit d'autre chose que de la musique.


BILAN *1/2

Comme une affreuse réalité sautant aux yeux (et aux oreilles) : l'effondrement par petits paliers d'un des plus authentiques génies créatifs de ces vingt dernières années. L'envie de se raccrocher aux branches est bien là. Aussi croit-on déceler ici et là quelques sons originaux, quelque expérimentation planante dans la veine de l'illustre passé de Thom Yorke, mais rien n'y fait. D'autant que le leader non-charismatique et ses bidouillages d'ordinateur aux côtés de Nigel Godrich couvrent tout l'espace, laissant des miettes aux autres membres. À quoi bon avoir débauché Flea pour percevoir si peu sa basse ? Et que dire du rôle de Joey Waronker, batteur ayant œuvré avec Beck, Elliott Smith ou R. E. M. ? Sous prétexte de démocratiser aux fans de rock les vertus des beats minimalistes et répétitifs, AFP, comme Radiohead deux ans plus tôt, est tombé dans la facilité. L'étoile commence à sérieusement s'assombrir, seule une véritable innovation pourra lui redonner de son éclat.<lien:</lien>
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L'auteur : Emilien Bartoli
41 ans, Toulouse (France).
Publié le 19 avril 2013
Modifié le 08 avril 2013
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