| Blueberry : Les Monts de la SuperstitionA l'occasion des 40 ans du plus célèbre Lieutenant de la Bande Dessinée et de la sortie prochaine du film de Jan Kounen, Dargaud réédite en un seul volume le diptyque de La Mine de l'Allemand Perdu et Du Spectre au Balles d'Or.Cette réédition de deux albums de la série Blueberry (sous le titre : Les Monts de la Superstition), créée par Charlier et Giraud, est un bon moyen pour (re)découvrir cette oeuvre mythique que la BD : ces deux tomes forment un tout, donc ce n'est pas une nécessité absolue de lire les albums précédents pour comprendre l'histoire. Après à vous de voir si vous avez des atomes crochus avec Mike S. Blueberry et si vous voulez lire la série toute entière. En tous cas, de l'avis des amateurs, les meilleurs épisodes sont les deux volets de La Mine de l'Allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or, et le cycle Chihuahua Pearl, L'Homme qui valait 500 000 dollars, Ballade pour un cercueil, Le Hors-la-loi et Angel Face.
La série naît du désir de l'hebdomadaire Pilote, fondé notamment par René Goscinny, d'avoir une série western. C'est alors le début de la collaboration entre Jean Gir (ou encore Giraud) et Jean-Michel Charlier. Elle engendre Fort Navajo, appellation d'origine des aventures de Mike Steve Blueberry qui se poursuivent aujourd'hui encore. Apparue dans le numéro de Pilote du 31 octobre 1963, la série rencontre un succès toujours plus grand à chaque nouvel épisode. Elle compte aujourd'hui plus de 24 albums périodiquement réédités. A l'époque, Blueberry révolutionne l'univers de la BD, notamment en présentant un héros iconoclaste, loin de représenter le parfait garçon bon chic bon genre. Sous l'impulsion de Gir, le scénario évolue et intègre des ingrédients stylistiques venus du cinéma, qu'il évoque dans une interview accordée au magazine Vécu : "Elles [mes références] sont essentiellement cinématographiques : John Ford, Howard Hawks, Anthony Mann. Mais il y a aussi les séries B. Quand j'étais gamin, je regardais Zorro, Les mousquetaires du Far West ou d'autres films qu'on allait voir entre copains dans les salles de cinéma. Puis il y a eu l'époque des "westerns spaghettis", l'appropriation européenne, qui ont marqué la fin du western au cinéma, montrant un peuple américain désincarné, sans dignité. Dans un autre genre, Les Portes du paradis de Cimino m'a énormément influencé. C'est un des seuls films qui montre l'aspect politique dans l'Ouest au détriment des grands thèmes comme les Indiens et leurs luttes. Un aspect sociologique très prégnant qu'on a peu montré au cinéma." Blueberry acquiert ainsi un ton moderne et une densité dramatique qui dépassent les modèles de la bande dessinée franco-belge pour la jeunesse de l'époque. Avec Blueberry, Gir développe un dessin réaliste qui contraste radicalement avec son dessin dans une autre série aussi célèbre, L'Incal, quand le dessinateur se fait alors appeler Moebius.
L'histoire des Monts de la Superstition entraîne le lecteur dans une longue chevauchée à la recherche d'une mine d'or. Plusieurs hommes vont se pourchasser à travers le désert pour mettre le premier la main dessus. Mais la présence des indiens compliquera aussi les choses. Vous ne risquez pas de vous ennuyez avec ces personnages hauts en couleur, tels que Mac Clure, Luckner, ou l'impressionnant spectre au balle d'or, représenté en couverture. De plus le rythme de la BD fait tout pour tenir le lecteur en haleine. Les deux albums ont été prépubliés dans la revue Pilote : La Mine de l'Allemand Perdu du n°497 (15/05/1969) au n°519 (16/10/1969), et Le Spectre au Balles d'Or du n°532 (15/01/1970) au n°557 (09/07/1970). Il fallait donc au moins cinq mois pour lire un album complet, un numéro de Pilote ne contenant que deux planches de Blueberry. Pour donner envie de lire la suite aux lecteurs patients, Charlier créait une sorte de petit suspense à la fin de la deuxième planche. Au final, nous avons deux albums pleins de rebondissements et avec un rythme haletant. On pourrait toutefois regretter une fin un peu rapide par rapport à la centaine de pages qui constituent le récit tout entier.
A noter : cette réédition est en grand format et en couleur (une réédition en grand format avait déjà été faite mais en noir et blanc) et elle présente une couverture inédite en France (il s'agit en fait de la couverture américaine de ce même double album paru au début des années 90). De plus, le volume s'accompagne d'un cahier supplémentaire où vous pourrez trouver des infos sur l'univers Blueberry ("Un héros d'un genre nouveau", "Les Monts de la Superstition") et sur l'adaptation cinématographique réalisée par Jan Kounen ("Blueberry au cinéma"). Après s'être inspiré du cinéma, il est naturel que Les Monts de la Superstition soient adaptés sur grand écran. Le dossier se termine avec des dessins de Marini, Boucq, Blain, Larcenet et Goossens, Munera, exprimant ainsi leur vision sur la série. Les fans de Gir seront donc réellement déçus de ne pas y trouver des inédits du dessinateur. On aurait aimé un dossier nettement plus graphique. | | |
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