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La traite des noirs, le commerce de la honte
Posté par edwin14 le 30/07/2008 00:10:00
Pourquoi parle-t-on aujourd'hui de la traite des noirs ?

En premier lieu parce qu'un historien français de l'université de Lorient, Olivier Pétré-Grebouilleau, a publié fin 2004 Les traites négrières, une étude très fouillée sur cet infâme commerce d'êtres humains. Son travail, salué par plusieurs prix, établit les rôles respectifs de chacun des acteurs de ce trafic : l'Occident (Europe et Amériques), l'Afrique noire, le monde musulman. Ce qui a pas mal bousculé les idées reçues. Car jusqu'à présent les Européens étaient considérés comme les principaux acteurs de la traite. Or, ils sont loin d'avoir été les seuls à profiter du "bois d'ébène" comme on appelait certains esclaves africains. Ce livre arrive également à un moment où les Noirs de France exigent qu'on parle de ce passé douloureux à peine abordé dans les manuels scolaires. Ce mouvement s'est d'abord concrétisé en 2001 par le vote de la loi Taubira qui reconnaît la traite et l'esclavage comme des "crimes contre l'humanité". Et plus récemment, par le choix du 10 mai (date de l'adoption de la loi Taubira) comme jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Toutes ces actions ont un même but : rendre "visible" les français noirs, d'origine africaine ou antillaise, en faisant connaître à tous leur histoire.


Pourquoi associe-t-on surtout l'europe à la traite ?

Parce que la traite européenne est la mieux connue des historiens. Surtout sous la forme dite "triangulaire" qui voit les navires négriers passer par de l'Europe à l'Afrique, puis de l'Afrique aux Amériques et enfin des Amérique à l'Europe. Si les historiens connaissent si bien la traite européenne, c'est qu'ils disposent d'une importante documentation sur ce commerce grâce aux registres d'achat d'esclaves, sur lesquels étaient inscrits leur nombre, leur prix, leur provenance, les lieux où ils étaient emmenés. On sait que la traite européenne fut pratiquée de manière intensive au XVIIe et au XVIIIe siècle. Ce sont les Portugais et les Hollandais qui ont dominé ce trafic jusqu'au milieu du XVIIe siècle, avant d'être supplantés par les Anglais et les Français. Comme il concernait aussi des trafiquants cubains et brésiliens, on l'a qualifié de traite "occidentale", plutôt qu'"européenne". Si elle est la plus connue du grand public, c'est qu'elle fut à l'origine de la rencontre entre l'Afrique et les Amériques : c'est elle qui explique le présence de dizaines de millions de Noirs aujourd'hui dans le Nouveau Monde. Difficile d'imaginer une expérience plus violente pour les Africains ! Etre arrachés à leurs villages pour se voir déportés dans des conditions atroces vers un continent inconnu, puis être revendus, séparés des leurs, et enfin contraints de travailler dans les champs de café, de coton, de canne à sucre...


Les européens sont-ils les seuls à avoir pratiqué la traite ?

Non. "La traite n'est pas une invention de l'Europe", disait l'historien Fernand Braudel. Avec raison puisque les premiers trafiquants d'esclaves noirs sont... Africains. Ce trafic remonte à l'époque des pharaons : il y a plus de 3500 ans ; les souverains de l'ancienne Egypte s'approvisionnaient en esclaves auprès de trafiquants noirs du Soudan. Ce trafic interne à l'Afrique n'a plus cessé jusqu'au XXe siècle. Une autre traite, dite "orientale", se développe à partir du VIIe siècle. Celle-ci est dirigée par les musulmans, notamment ceux originaires des d'Arabie. A cette époque, ils sont en train de conquérir l'Afrique du Nord. Et ils ont besoin d'esclaves pour faire des soldats, des domestiques et des paysans. Ils vont les acheter en Afrique noire. Ces traites africaine et orientale vont se poursuivre pendant treize siècles.


Comment les trafiquants se procuraient-ils des captifs ?

En les capturant dans l'intérieur des terres. Ce sont généralement des Africains qui faisaient ce travail, plus rarement des aventuriers occidentaux et musulmans. Pour quelles raisons les Africains agissaient-ils de la sorte envers leurs semblables ? En fait, ils n'avaient pas le sentiment d'appartenir à une "communauté africaine" ; seule comptait l'appartenance à leurs ethnies respectives. Principale source d'esclaves : les prisonniers issus des guerres incessantes entre royaumes africains. Les gens les plus pauvre, ceux qui n'arrivaient pas à payer leurs impôts ou leur dettes, étaient également souvent réduits en esclavage, de même que les criminels. Et il arrivait même que certains Africains se vendent de manière volontaire pendant les famines. Une partie des ces captifs était emmenée jusqu'aux côtes d'Afrique de l'ouest ; via de nombreux intermédiaires qui empochaient des bénéfices. Au bout de ce voyage, ils étaient alors échangés contre des marchandises fournies par les trafiquants occidentaux. Quant aux trafiquants orientaux, ils pénétraient profondément à l'intérieur du continent noir où ils nouaient des contacts plus discrets avec leurs "fournisseurs" africains. Tout comme les Occidentaux, ils troquaient contre des captifs les produits souhaités par les trafiquants locaux : tissus, fusils, chevaux, sel, bijoux, coquillages utilisés par les Africains comme monnaie.


Comment étaient-ils transportés ?

Cela dépend des traites. Les Occidentaux transportaient les captifs par bateau à partir des côtes d'Afrique de l'Ouest vers les Antilles et le continent américain. Notamment vers Rio de Janeiro, le premier port négrier de la planète, mais aussi vers Charleston et La Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis. Ces captifs étaient entassés dans des navires pour une traversée de l'océan Atlantique qui durait en moyenne deux mois. A cause du manque d'hygiène et de nourriture, ils développaient des maladies comme le scorbut. Environ 10% d'entre eux mourraient pendant le voyage. Les survivants étaient vendus comme esclaves à des planteurs de tabac, de coton et de canne à sucre. Lors des traites africaines et orientale, les captifs allaient à pied vers le nord ou l'est de l'Afrique, c'est-à-dire vers le Maghreb et la mer Rouge. Ils étaient utilisés pour le transporter des marchandises, souvent enchaînés les uns aux autres. Les malheureux devaient ainsi traverser la Sahara, marchant jusqu'à 3000 km, luttant contre les tempêtes de sable, les attaques des pillards et la soif. D'autres étaient envoyés par bateau vers des pays musulmans, notamment vers l'île de Zanzibar et, de là, vers la péninsule arabique.


Comment des gens qui se disaient civilisés ont-ils justifié l'esclavage ?

En invoquant des alibis religieux. Pourtant, ni le Coran (pour la traite orientale) ni la Bible (pour la traite occidental) ne justifient le racisme anti-Noirs ni l'esclavage. Musulmans et chrétiens ont dévalorisé les Africains en utilisant un passage de la Bible. Noé, un homme choisi par Dieu pour survivre à la destruction du monde, avait trois fils. L'un d'entre eux, Cham, se serait moqué de lui un jour où il était ivre. Furieux, Noé aurait maudit le plus jeune fils de Cham en déclarant qu'il serait "l'esclave des esclaves". Ce n'est qu'au Moyen Age que les musulmans associent Cham à la race noire pour justifier la traite. En fait, les trafiquants orientaux étaient surtout soucieux d'acheter des captifs non musulmans, quelle que soit leur origine. Du côté des Occidentaux, on a aussi justifié la traite par des raisons climatiques en invoquant l'impossibilité pour les Blancs de travailler sous les tropiques, ce qui ne tient pas debout. Puis, en terre d'islam comme en Occident, le racisme est apparu. Plus les populations voyaient des Noirs réduits en esclavage, plus elles étaient convaincues qu'ils appartenaient à une humanité inférieure et plus elles les méprisaient.


Combien d'êtres humains ont-ils été ainsi déportés ?

Autour de 40 millions, selon les estimations des historiens. La traite occidentale, entre 1519 et 1867, a conduit à la déportation de 11 millions d'Africains. Pour le traite orientale, on dispose d'un ordre de grandeur : autour de 17 millions d'individus entre les années 650 et 1920. Quant aux traites internes à l'Afrique, entre le VIIe et le XXe siècle, les spécialistes estiment qu'il y eut 14 millions d'Africains concernés. Au début du XXe siècle, l'Afrique comptait encore plusieurs millions d'esclaves. Pourquoi parle-t-on d'estimations ? Parce que, à la différence de la traite occidentale, on ne dispose pas de registres pour les traites africaine et orientale. Les historiens doivent alors lire à la loupe les récits des trafiquants, les descriptions de ventes et d'arrivées d'esclaves dans la ville, ainsi que els listes de captifs qui sont incorporés dans les armées musulmanes. Sur la base de ces chiffres, ils arrivent à obtenir des estimations du nombre total de captifs.


Combien d'africains sont morts à cause de la traite ?

Environ 1.5 million de morts du fait de la traite occidentale, essentiellement pendant le transport par mer. En revanche, on ne dispose que d'estimations imprécises pour les traites africaine et orientale. Le transport des captifs vers les côtes aurait fait entre 2.8 et 5.5 millions de morts, mors de la traite africaine. Même imprécision pour le trafic oriental : entre 1 et 3.5 millions de morts. Soit un total compris entre 5 et 10 millions de morts sur une période de douze ou treize siècles.


Qui s'est enrichi grâce à la traite ?

Enormément de monde. A commencer par les Africains (marchand, guerriers ou chefs) qui étaient les fournisseurs de captifs. S'ils les vendaient aux Occidentaux et aux musulmans, c'était pour en tirer le prix maximum. Ceux qui contrôlaient les sites africains de traite se sont enrichis aussi en taxant les Occidentaux venus acheter des esclaves. Du côté occidental comme oriental, les premiers bénéficiaires ont été les trafiquants qui se rendaient sur place, appelés "traitants". Puis les armateurs, ceux qui investissaient leur argent pour que la traite se fasse : pour équiper les navires de transport, payer l'équipage, la cargaison etl'achat des esclaves. Ces financiers tiraient leurs bénéfices de la vente finale des esclaves en Amérique ou des marchandises ramenées du Nouveau Monde. Enfin ; les planteurs du continent américain ont prospéré grâce à cette main-d'œuvre corvéable à merci. N'oublions pas les Etats européens qui, au début de la traite au moins, ont souvent fait payer un droit à ceux qui s'aventuraient dans ce commerce.


Quand la traite s'est-elle arrêtée et pourquoi ?

La traite occidentale n'a cessé qu'a la fin des années 1860. Cela faisait un siècle que des associations humanitaires réclamait l'abolition de la traite et de l'esclavage. Ce mouvement "abolitionniste" remporte ses premières victoires en 1807 avec l'interdiction d'importer des esclaves sur le sol des Etats-Unis et l'abolition de la traite par les Anglais. En France, il faut attendre 1831. Pourquoi la traite est-elle alors devenue intolérable à la majorité ? Les mentalités ont évolué en Europe où l'on encourage la liberté et le respect de l'individu. Comment ; dès lors, justifiera l'esclavage d'autres hommes ? Par la suite, des motifs moins généreux ont joué : l'apparition du sucre de betterave qui remplace le sucre de canne des Amériques, par exemple. Plus besoin, pour les Européens, d'aller le produire outre-Atlantique avec des esclaves. Ajoutons que les esclaves eux-mêmes ont joué un rôle dans l'abolition en s'enfuyant des plantations et en se révoltant. L'exemple le plus fameux est celui de la révolte de Saint-Domingue : celle-ci est à l'origine de la première république noire d'Haïti en 1804.
De tels mouvements abolitionnistes n'ont pas vu le jour en Afrique et dans le monde musulman. La traite africaines s'est poursuivie jusqu'au début du XXe siècle. Elle ne disparaîtra que lorsque les Occidentaux l'auront interdite après avoir colonisé le continent noir. De même pour la traite orientale, c'est d'Europe que part le mouvement. L'empire Ottoman (ou empire Turc), par exemple, signe en 1890 une convention interdisant la traite des Noirs. Mais il le fait contraint et forcé par la Grande-Bretagne qui lui a coupé l'accès aux captifs, en occupant l'Afrique de l'Est.

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Re: La traite des noirs, le commerce de la honte
Posté par antoine14 le 05/08/2008 19:33:31
Très bel article. Très complet. Vraiment très intéressant. Bravo !!!

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Re: La traite des noirs, le commerce de la honte
Posté par marysweety le 06/08/2008 13:03:30
donc si j'comprends ton article, les européens n'ont rien fait de mal, ce sont les africains eux mêmes qui sont responsables puisqu'ils se vendaient entre eux. et en plus tu oses dire ke ce sont les africains qui en ont le plus profiter. ne m'oblige surtout pas a te citer tout ce que ce commerce a apporté a l'occident car tu le sais. c'est ton article qui est honteux.

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Re: La traite des noirs, le commerce de la honte
Posté par cdizen le 06/08/2008 22:29:26
Peut-être que je me trompe mais je n’ai pas besoin d’accuser quiconque.
Je me référerai seulement à la structure mentale de l’homo sapiens !

L’homo sapiens, en utilisant son petit néocortex, a compris au bout d’un moment qu’il était plus rentable de développer de la main-d’œuvre plutôt que de tuer les ennemis comme le faisaient les autres animaux.
D’où la pratique de la mise en esclavage.

Vers la moitié du 19ième siècle, les esclaves évoluant mentalement comme les autres, étant devenus de moins en moins malléables et rentables, l’abolition suivit naturellement (Même s’il n’y avait pas eu d’organisations abolitionnistes actives, le processus se serait éteint)

Inversement, dans des coins très à l’écart du modernisme, par ex. en Mauritanie, l’esclavage a pu subsister, sinon officiellement, de fait jusqu’à ces dernières années.

Quant aux religions ! Elles ont couvert la politique de l’esclavagisme ! (Ce qui prouverait, mais ce n’est plus nécessaire, leurs impostures. –Ceci ne remet en rien l’idée que des choses nous dépassent, nous sont inaccessibles &hellip

A vous de me signaler l’erreur d’appréciation. Merci.


N. B. Un peu d’humour noir ou blanc ou je ne sais …
Cet animal particulier, l’homo sapiens, qui ne se connaît pas, se prend pour ce qu’il n’est pas, notamment comme un être créé à l’image de Dieu !
Si une étude comparative de notre génome et de celui du chimpanzé vient de ruiner définitivement ce fantasme, il est à noter que le pape n’a pas attaqué les sciences en diffamation alors que l’équation Dieu = homme = Bonobo boosté (la différence est inférieure à 2 %) était plus que dévalorisante !
Pourquoi ? !

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