Des fois je me disais que j'aurais bien aimé que ma vie soit comme cette feuille, blanche, propre, neuve. Mais j'ai rempli les jours de ma vie comme on écrit sur une feuille blanche, rapidement, elle ne l'est plus. J'ai vu ma feuille se remplir, de ratures, de mots inachevés, de dessins sans couleurs, de traits tordus et entrelacés. Je pensais que bientôt elle craquerait, une goutte d'encre la trouverait, un trait, une ligne, la déchireraient, et elle sera jetée, peut-être qu'elle brûlera, qu'elle s'en ira avec le vent ou qu'un enfant en fera des confettis.
La plupart des gens à 15 ans ont su garder la blancheur de leur feuille, sa droiture aussi, ni plis, ni cornes, plus tard, ils en feront un chef-d'oeuvre, un poème aux rimes parfaites, un dessin aux traits ajustés, ou une nouvelle au mots recherchés. Je ne suis pas comme ça, et j'y ai souvent réfléchi, est-ce un tort, une erreur qu'il faut réparer ? Je me disais qu'il fallait rattraper le temps perdu et gommer les ratures tellement nombreuses sur ma feuille. Mais on n'efface pas son passé comme on gomme un dessin, on n'arrache pas les jours comme on déchire un bout de papier, tel les noms des amoureux gravés dans l'écorce des arbres, les souvenirs restent ancrés dans nos mémoires et ressurgissent à n'importe quel moment. On n'arrive pas à les oublier alors on vit avec. Mais avec du recul, ma vision des choses a changé, finalement, je ne voudrais pas que ma vie soit un soi-disant chef-d'oeuve, tellement parfait qu'il en est écoeurant, et puis, la perfection, existe-t-elle vraiment ? Ceux qui le prétendent sont des menteurs, ou bien sont-ils si faibles qu'ils ne peuvent faire face à leurs défauts. Ma vie a été différente, imparfaite, ma vie a été pleine, pas comme les leurs, pas comme les votres, fades, errantes, avec un gout d'éternité. Ma vie, je l'ai rythmée aux battements de mon cœur, j'ai croqué mes envies à pleine dents et j'ai appris. J'ai appris à préciser mes buts et donner tout pour y arriver. J'ai appris l'amour, j'ai appris la haine, j'ai connu la douleur, j'ai connu la traitrise, j'ai vu la lacheté, j'ai eu le courage, j'ai effacé la peur. Les ratures de ma feuille, les mots, les dessins, sont devenus plus clairs à mes yeux, ils sont mon passé, mon présent, mon futur, ils sont mon chemin, ma destinée, ils sont ma vie. Contrairement à une jeunesse perdue, naive, et qui dans sa soif d'aventures, se jette dans la gueule du loup, une jeunesse qui se laisse marcher sur les pieds, avec rien dans la tête que des noms de marques. Je suis bizarre pour les uns, inconsciente pour les autres, trop libérée pour certains, oui je suis tout ça, je suis ce que j'ai choisi d'être et j'en suis fière. Avec des rêves, de l'ambition, dela volonté, avec des défauts et des erreurs. Et j'ai repris mon stylo, encore et toujours, pour tracer ma destinée sur la feuille de ma vie, la tête haute, prête à embrasser le vent qui emmêle mes cheveux, le soleil qui caresse ma peau, et remplir ma têre, mon cœur, et ma feuille, jusqu'au dernier carreau blanc, de ratures dira-t-on, moi je dirai de vie, la belle, la vraie, celle avec un grand V, celle que peu ont goutés, celle que moi j'ai.
Re: Ma feuille Posté par [simon] le 14/10/2006 19:48:43
Bien écrit.
Ma feuille aussi est pleine de tâche, mais rattraper le temps perdu, ça ne se fait pas. Moi aussi j'ai connu l'amour, la haine, le courage et la lâcheté. Moi aussi j'ai connu la douleur, la souffrance. Mais à côté, j'ai connu aussi la joie, le bonheur, même s'il n'a pas duré ou du moins pas autant que je l'aurais voulu.
J'essaie peu à peu de me remettre de mes blessures, mais c'est pas évident, je suis sûr que tu connais ça. Alors je continue, mais parfois j'ai envié les jeunes "normaux", ceux qui n'ont pas d'autres préoccupations que leur contrôle de maths du lendemain où leur rupture récente avec une fille avec qui ils n'ont passé qu'une semaine.
J'connais les commissariats, les erreurs, les regrets. J'ai grandi trop vite, m'ont dit ceux qui m'ont écoutés. J'aimerais bien revenir en arrière parfois, mais on ne peut pas, donc on continue à vivre... Mais putain que c'est moche parfois...
Je connais bien la déprime, celle qui nous cloue au sol, qui nous oblige à prendre appui sur un mur pour réussir à marcher, celle qui nous pousse aux larmes, jusqu'à la violence. Celle qui nous pousse à frapper nos amis et à crier sur sa mère. Celle qui nous donne envie d'en finir. Je la gommerais bien celle la.
La vie avec un grand V... Certes... Mais vaut-il mieux vivre vraiment dans la souffrance, qu'avoir une vie formatée dans la joie ? Là est la question.