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A la recherche de l'amulette (chapitres 6 à 10)
Posté par fenixia le 03/06/2005 00:00:57
Chapitre 6

Ce fût Eligor qui me réveilla.
Lorsque j'ouvris les yeux, il était planté devant moi, droit comme un i les mains sur les hanches et il me dévisageait de ses yeux glacials. Il semblait assez irrité. J'émergeai de mon sommeil péniblement et le regardai dans les yeux :

- Ai-je fais quelque chose de mal ? Je me suis juste assoupie.
- Je sais. Je vais vous dire ce qui me déplait : vous êtes allée dans une pièce que je ne vous avais pas montrée. Pourquoi croyez-vous que je vous la cachais ?
Je pense que c'est à cause du livre que j'ai entre les mains. Vous ne voulez pas que je sache la vérité au sujet du pendentif. Aussi m'avez-vous délibérément dissimulé cette pièce afin que je reste dans l'ignorance.
- En effet c'était mon but. Mais maintenant que vous savez que je suis allé en France afin de le retrouver, je vais devoir vous dire tout ce que je sais. Je me trompe ?
- Non, c'est ce que je veux savoir.
- Chacun son tour de raconter son histoire ! J'ai voulu me rendre en France car je ne connaissais pas du tout ce pays et quoi de mieux que de visiter la capitale pour avoir un échantillon de toute la France ? Cela fait maintenant une centaine d'années. Vous avez la date précise sur la première page. Alors qu'un soir j'écumais les bars dans l'espoir de trouver une chambre où dormir, j'aperçus une jeune vampire. Je l'ai reconnue à sa pâleur égale à la mienne et à ses gestes lents comme ceux des Immortels. Elle était accoudée à un comptoir, elle sirotait un verre de vin. Plongée dans ses pensées, elle avait le regard dans le vide. Je me suis approché d'elle, l'obligeant à quitter sa profonde rêverie pour me parler. On parla de tout, de rien, mais surtout de vampires. C'est ce jour qu'elle m'a parlé de l'amulette. Elle me proposa d'aller voir un sanctuaire. Celui où j'ai trouvé le vitrail. Comme je ne connais pas la région de Paris je ne pourrai pas vous dire où c'était mais elle m'a conduit dans un bois. Elle savait le chemin par cœur, elle devait s'y rendre relativement souvent. Quand nous arrivâmes, je découvris un bâtiment en granit. Quelques pierres sculptées encadraient une porte en bois lourd. Elle introduisit une clé longue et dorée qui me paraissait ancienne. La porte s'ouvrit lentement avec un grincement aigu. Ce sanctuaire était constitué d'une seule et unique pièce. Au milieu, un autel imposant, en pierre également, était posé. Il semblait rayonner sans qu'aucune flamme ne soit visible. J'avançai d'un pas et j'aperçus que des vitraux étaient incrustés dans les murs. Ils parlaient tous de la légende. Celui qui est dans votre salle de bains était le seul qui ne fut pas dans les murs. Il était à terre. Je demandai à la femme qui m'accompagnait qu'elle était la fiole qui pendait au cou des vampires. J'étais aussi curieux que vous l'êtes en ce moment. Elle me raconta ce que je vous ai dit la première fois que vous avez abordé le sujet. Elle pensait que l'amulette était cachée dans l'autel mais elle m'avoua qu'elle n'avait pas la force de déplacer la stèle. Elle me demanda donc de la pousser à sa place et malgré quelques difficultés, je parvins enfin à la faire bouger suffisamment pour pouvoir passer sur le côté et prendre l'amulette. Une fois que j'ai pu lattraper, elle me l'arracha des mains et s'enfuit avec. Après je ne l'ai plus revue et il y a deux ou trois ans elle m'a envoyé ce livre. C'est à ce moment que je sus comment elle s'appelait. Je l'ai aidée, c'est vrai, mais je suis incapable de vous dire où elle vit et où est l'amulette. Puis, je suis retourné vivre ici à Londres d'où je ne suis plus parti.

- N'avez-vous jamais cherché à la retrouver ?
- J'en étais découragé. Je n'ai jamais lu ce livre et je ne voulais pas que vous le lisiez. Je ne veux pas que vous partiez à la recherche de ce pendentif.
- Et pourquoi ? Vous avez peur que je vous mette devant un passé que vous souhaitez garder obscur ?

Pour une fois, il me quitta des yeux et baissa son regard. Il était triste. J'avais délibérément mis de la colère dans ma voix. Je lui en voulais de m'avoir caché qu'il savait que l'amulette existait. Cela dit, il semblait troublé et agité. Il prit mes mains dans les siennes et me dit :
- La vérité est que je vous...
- Allez-y dites-le-moi
- Je vous aime. Depuis que je vous ai vu sous ce pont, à lire les livres qui nous concernaient. Je vous ai suivi toutes les nuits, à guetter tous vos faits et gestes. J'avais peur pour vous alors que vous sembliez inconsciente du danger que vous encourriez. Je ne peux vous dire le nombre de fois que je me suis battu pour vous. Des hommes pour la plupart dont les projets n'étaient pas des plus honnêtes.
- Je... Je ne savais pas...

J'étais affectée de la déclaration qu'il venait de me faire. Je ne pouvais pas l'accepter car je ne ressentais rien pour lui sinon une haine que je cachais. Je décidai de me promener afin de réfléchir un peu. Et pourquoi ne pas tuer un ou deux mortels ? Je détachai mes mains des siennes, il parut surprit. "Je vais faire un tour en ville" Comme il esquissait un mouvement pour me suivre, je lui tournai le dos en ajoutant "Seule". Je l'entendis se rasseoir brutalement et crus distinguer les bruits d'un vague sanglot. A pas lents, la tête ailleurs, je me dirigeai vers la sortie. Il faisait frais en cette nuit d'été. Londres n'est pas connue pour ses accès de chaleur mais depuis quelques temps l'air devenait de plus en plus pesant. Peut-être est-ce l'amour avoué d'Eligor qui me donnait cette impression de fraîcheur. Je passai devant la fontaine du jardin et m'arrêtai un moment sur son rebord accueillant. Comme le deuxième jour que j'avais passé ici, je plongeai mes mains dans l'eau et me rafraîchis le visage. Je jouai un instant avec les poissons. Je mettais un doigt dans l'eau et ils s'en approchaient sans jamais me toucher. Je quittai mon siège et partis du jardin. Lorsque je longeai le chemin qui menait en ville, je rencontrai une calèche dans laquelle un homme était seul. Il fit signe au cocher de s'arrêter et il descendît à mon niveau. Il m'adressa la parole poliment :

- Que faites-vous ici en pleine nuit ? N'avez-vous pas peur de faire de mauvaises rencontres ?
Il me plaisait. Pas en tant qu'homme mais en tant que future victime. J'étais décidée à le charmer pour mieux boire son sang.
- Si toutes les rencontres pouvaient être comme celle-là, je me promènerai sûrement plus souvent. Où allez-vous ainsi en pleine nuit ?
- Je rentre d'une pièce de théâtre. Mais, je vous en prie, montez, ne restez pas dehors.

Il m'aida galamment à monter dans la voiture en me tenant doucement mais fermement la main. Il me fit asseoir près de lui et indiqua une adresse au cocher. Il ne cessa de me regarder et de me sourire. Je lui rendais ses œillades. Si seulement il connaissait le sort que je lui réservais... Le cocher nous arrêta dans une rue peuplée. Je descendis la première et attendis qu'il sorte pour lui prendre la main avec un air possessif. Il en fut agréablement surpris. Je me laissai mener chez lui et il me guida vers un hôtel. Il demanda sa clé au comptoir tout en me dévorant des yeux. Nous montâmes enfin dans sa chambre. Il me dit de m'asseoir sur le canapé. Il disparut un moment et revint avec un plateau doré sur lequel il avait placé deux verres et une bouteille de champagne. Il posa le tout sur la table et entreprit de déboucher le champagne. Il versa le précieux liquide dans les verres et voulut qu'on le boive comme les jeunes mariés. Pour le charmer, j'acceptai. Nous bûmes en croisant nos deux bras. Je le regardai avec gourmandise. Il me rendait mon sourire. Il posa son verre et je fis de même. Il s'approcha doucement de moi et commença à m'embrasser dans le cou.

Je levai le menton pour lui permettre de continuer. Il me releva et me prit dans ses bras. Tout en m'embrassant, il me conduisit dans sa chambre. Il me posa avec délicatesse sur le lit et se mit sur moi. A l'instant où sa nuque fut à portée de dents, je le mordis avide de son sang. Il me fit tourner la tête. C'était un homme qui avait péché dans sa vie. Cela rendait le sang plus âcre. Il s'affaissa comme un poids mort sur moi. Je le fis basculer sur le lit, repris mes affaires et sortis de la chambre. Je descendis l'escalier tranquillement et, une fois sur le trottoir, j'errai à la recherche d'une voiture qui me ramènerait. J'en croisai une et fis signe au cocher de s'arrêter. Je montai dans la voiture et lorsque je donnai l'adresse au cocher une lueur de peur apparut dans son regard. Arrivée à destination, je m'installai à côté de lui et le mordis. Il se débattit un peu. Son sang était doux et sucré, c'était un homme sans reproche. Avait-il une famille ? Je ne le savais pas et m'en moquai un peu. Je le laissai là et rentrai dans la maison.


Chapitre 7

Le chemin du retour me parut plus long que celui du départ. Peut-être marchai-je plus lentement ? J'étais encore toute alourdie du sang de mes deux victimes. Le sang du deuxième faisait peu à peu passer le goût du premier. J'arrivai enfin à la demeure d'Eligor. Je m'assis une fois de plus sur le rebord de la fontaine et plongeai mon regard dans l'eau translucide. J'avais les yeux dans le vague lorsqu'une domestique me proposa quelque chose à boire ou à manger. Je me doutais que ce fût Eligor qui me l'envoya. Je lui répondis :

- Veuillez informer votre maître que j'ai déjà dîné à l'extérieur. Cela dit je ne refuserai pas un bon verre de vin.
- Bien madame.

Elle s'en alla en me regardant curieusement. Pourvu qu'Eligor ne la tue pas à cause moi ! Elle revint quelques minutes plus tard avec un plateau posé sur la main. Dessus il y avait un verre de cristal et une bouteille. La meilleure qu'il m'ai été donné de boire. Elle m'en servit un verre et me le donna. Elle s'assit à côté de moi et me contempla en train de boire. Elle s'était assise telle une grande dame, les mains sur les genoux, le dos bien droit. Visiblement elle souhaitait me parler. Je finis doucement mon verre, le reposai à côté de moi et l'examinai à mon tour. Elle semblait jeune mais je n'ai jamais été douée pour donner un âge. Selon moi, elle devait avoir à quelques années près mon âge. Elle était belle, deux magnifiques yeux verts incrustés dans un visage encore enfantin. Il était encadré par de longs cheveux bruns laissés libres sur sa nuque. Elle rayonnait malgré un air de tristesse. Elle se décida enfin à m'adresser la parole.

- Vous semblez triste. Vous est-il arrivé quelque chose de fâcheux ?
- Non, non rien de cela. Disons plutôt une vieille mélancolie qui refait surface. Vous ne savez pas la chance que vous avez.
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Vous voyez la lumière du soleil et c'est le plus beau cadeau de la nature.
- Oh ! Vous savez, ce n'est qu'une étoile qui brille parmi tant d'autres. Je ferai n'importe quoi pour devenir à mon tour immortelle.
- Moi aussi j'étais prête à n'importe quoi et à présent je le regrette amèrement. J'aimerais tellement pouvoir de nouveau contempler le soleil quand il se lève, ou lorsqu'il se couche sur une plage déserte. Hélas, c'est désormais impossible. Je me console avec la lune, seule lumière qui n'a jamais brillé pour moi.
- Vous savez qu'Eligor tient beaucoup à vous. Vous lui avez brisé le cœur ce soir quand vous êtes partie seule.
- Je ne tiens pas à Eligor. Il se trouve même que je le déteste. Il est si froid, si impassible. Il est possessif et je ne supporte pas cela. Il veut prendre le contrôle de tout. C'est à peine s'il ne veut pas contrôler les battements de mon cœur !
- Moi aussi je le trouve cruel. La façon dont il se débarrasse de nous me fait froid dans le dos. J'aimerais tellement partir !
- Pourquoi ne le faites-vous pas ? Il ne vous retient pas prisonnière que je sache.
- Et où voulez-vous que j'aille ? Je n'ai ni famille, ni ami, ni amant. J'ai essayé de lui échapper mais à chaque fois il me retrouve et menace de me tuer si jamais je tente de nouveau de m'enfuir.
- Quel est votre nom ?
- Lora.
- Bien, Lora sauf si ça vous dérange, j'aimerai aller me coucher car bientôt le soleil va se lever et je n'ai pas envie de mourir une seconde fois.

Je la quittai prestement et me dirigeai vers ma chambre. J'aperçus Eligor qui me regardait à la dérobée, une lueur de tristesse et d'amertume dans les yeux. J'en étais désolée pour lui mais je ne voulais pas lui céder. Rien de ce qu'il fera ou dira ne m'obligera à changer d'avis. Il me faisait pitié à présent. Je ne souhaitais plus qu'une chose : partir définitivement d'ici. Et pourquoi ne pas emmener la jeune servante avec moi ? Je me couchai sur le capitonnage habituel et repensai à la discussion que j'avais eue avec la demoiselle. Ainsi il tuait toutes les servantes qui ne lui convenaient pas. Il devait avoir de nombreux morts à son actif puisqu'il était aussi capricieux qu'un enfant gâté. Face à lui je me considérai comme une débutante.

Jusque-là je n'avais tué que quatre personnes. J'étais donc une novice. Ma dernière pensée avant que je ne sombre dans le sommeil fut : pourvu que je ne tue jamais autant qu'Eligor.
Je me réveillai plus engourdie que je ne m'étais couchée. Mon être entier me faisait mal et je ne savais pas pourquoi. J'allai vers la cuisine où Eligor prenait son petit déjeuner. Nous mangeons aussi ce que mangent les mortels et cela m'avait surprise au premier abord parce que je croyais que les vampires ne se nourrissaient que de sang. Je m'assis à la table en face de lui et le regardai droit dans les yeux. Il fut obligé de lever le regard vers moi. Je l'avais irrité sans le vouloir.

- Je songe partir d'ici
- Faites ce que vous voulez, je ne vous retiens pas. De plus vous avez toujours fait ce que bon vous semble et ce n'est sûrement pas maintenant que vous allez changer. Je vous ai dit ce que je pensais, vous n'êtes pas d'accord et bien partez. Vous n'êtes pas enchaînée à moi.

Sur ce il partit en claquant la porte derrière lui. Qu'il aille au diable ! Je me retrouvai seule une fois de plus. J'étais tout le temps seule et j'avais fini par m'y habituer. Enfin j'avais fait semblant de m'habituer. La domestique d'hier rentra dans la cuisine :

- J'ai entendu votre conversation malgré moi. Vous souhaitez partir à quel endroit ? Aurais-je l'honneur de vous accompagner ? Dites-moi oui s'il vous plaît
- Oui je vais partir sans Eligor. Je voudrai bien que vous m'accompagniez mais si je vous emmène il faudra que j'emmène les autres et je n'ai pas assez d'argent pour tous vous faire vivre.
- Nous organiserons cette fuite, seules, sans prévenir personne. J'ai travaillé de jour afin de récolter assez d'argent pour pouvoir être indépendante un jour ajouté à cela le salaire que nous verse Eligor ça devrait nous suffire pendant un petit moment. De plus, je suis jeune donc je retrouverai facilement du travail.

Je l'écoutais comme une grand-mère écoute sa petite-fille lui confier ses projets. Elle semblait avoir imaginé toutes les combinaisons possibles pour s'échapper de son enfer. Elle me plaisait par sa force de caractère et son courage, car il en fallait pour échafauder ce genre de plan. Je lui souris et finis mon petit déjeuner, perdue dans mes pensées. Je sentais qu'elle voulait une réponse. J'émergeai de ma rêverie et lui dis simplement :

- Rejoignez-moi demain soir à la fontaine et préparez toutes les affaires que vous pourrez.

Elle balbutia péniblement quelques remerciements. Sans la voir, je sentais qu'elle débordait de joie. Elle partit d'un pas plus léger en direction de sa chambre. Je me levai et partis me promener en ville mais cette fois ce n'était pas pour chasser mais plus pour trouver un endroit où dormir.

Je hélai une voiture, montai et demandai au cocher de me déposer en ville. Il me laissa en plein cœur de Londres. Je me dirigeai naturellement vers un bar, j'entrai et m'installai au comptoir. Plusieurs regards se tournèrent vers moi et j'en étais extrêmement embarrassée. Je commandai un verre de vin et le sirotais tranquillement en observant la salle du regard. C'était un bar aux allures anciennes avec de vieilles boiseries qui ornaient les murs. Des peintures y étaient accrochées. Selon les dires ce serait la maîtresse de maison qui les peignait. Il paraîtrait même qu'elle les vendait pour arrondir ses fins de mois. Derrière le comptoir, un homme fort servait les clients avec tous les alcools connus. Il était célèbre pour ses cocktails. Des tables étaient soigneusement alignées selon un ordre bien précis. Toutes les classes sociales étaient représentées. Dans un coin près de la porte comme pour ne pas être dérangé par la fumée des cigares, un couple très chic dînait tranquillement en amoureux avec des regards qui ne trompaient pas sur la suite de leur soirée. Je souriais tristement en pensant que je n'aurais sûrement jamais ce genre de flamme dans les yeux. Contre le mur du fond, plusieurs hommes jouaient aux cartes dans une bonne humeur inhabituelle. J'en compris la raison en baissant légèrement le regard, deux bouteilles vides étaient tombées à terre et une autre, fortement entamée, traînait sur la table prête à tomber au moindre choc. À une autre table, un jeune homme sûrement un peu plus vieux que moi était assis seul devant un verre vide. J'appelai le patron et demandai de lui apporter un verre de ma part. Lorsque le garçon alla le voir, il montra au jeune homme qui lui faisait ce présent. D'un regard, il m'invita à sa table. Je n'étais pas sûre de mon choix mais la beauté de ce jeune homme me frappa. J'approchai de sa table malgré mes jambes qui tremblaient sous moi. J'avais peur mais je sentais un regain d'énergie. Je m'assis silencieusement en face de lui, il ne me quittait pas du regard. De près, il était encore plus beau. Ses cheveux presque blonds étaient coiffés élégamment en arrière, il avait des yeux azurs qui éclairaient son visage. Il souriait en me regardant. Je me sentis obligée de commencer la conversation bien qu'il m'ait invitée. A ma grande surprise ce fût lui qui m'adressa la parole.

- Que cherchez-vous ici ?

Il parlait avec un léger accent de l'Est.

- Je voudrais une chambre assez grande pour vivre en attendant d'avoir une maison à nous.
Vous habitez avec votre ami ?
C'était une manière habile de savoir si j'étais seule :
- Non, avec une amie. Je souhaite m'éloigner de l'homme qui m'hébergeait jusqu'à présent
- Sans indiscrétion, puis-je savoir qui est cet homme.
- Il s'agit d'Eligor.
- Oh ! Il vous employait ?
- Non, il m'a recueilli mais maintenant je souhaite voler de mes propres ailes. Cependant, il employait la jeune fille qui va venir avec moi et comme elle avait peur de lui, j'ai préféré l'en éloigner.
- Tout le monde a peur de lui ici. Il ne sort que de nuit et des personnes disparaissent sur son passage. Je suis le seul à savoir ce qu'il est vraiment.
- Expliquez-vous.
- Je suis le seul à savoir que c'est un vampire. Et pour tout vous dire, je sais que vous faites partie des leurs.
- Auriez-vous peur de moi ?
- Absolument pas car je sais que vous ne me ferez pas de mal.
- Comment savez-vous que nous sommes des vampires ?
- Votre teint plus pâle que les autres, le fait que vous ne sortiez que de nuit, que des gens disparaissent après vous avoir croisé. Personne ne semble faire les liens entre toutes ces petites choses mais moi j'y prêtre attention. Je peux vous offrir un logement si vous le décidez.
- C'est trop gentil. Je vais devoir rentrer car, comme vous devez savoir, nous ne supportons pas le soleil.
- Sans problème. Nous n'avons qu'à nous donner rendez-vous ici demain soir au coucher du soleil pour que je vous fasse visiter l'appartement.
- Bien. A demain alors.


Chapitre 8

Nous nous quittâmes sur ces mots et je rentrai chez Eligor pour prévenir Lora que j'avais trouvé quelque chose. Arrivée à la maison, je retournai dans la bibliothèque et repris mon livre. Puis, je retournai dans ma chambre pour préparer mes quelques effets que j'avais achetés deux mois plus tôt. Une liasse de billets était posée sur mon cercueil. Eligor m'avait peut-être fait un cadeau. Il y en avait pour une sacrée somme. Venant d'un milieu pauvre, j'étais impressionnée par la richesse de cet homme. Je mis mes robes, la liasse et mon nécessaire de toilette. Avec tout ce que j'avais, j'eu du mal à le faire rentrer dans ma valise. Après l'avoir bouclée, j'allai voir Eligor dans sa chambre. Je sentais une angoisse monter dans ma gorge comme s'il s'était passé quelque chose de grave. En effet, quand je rentrai dans sa chambre, je le trouvai à terre avec une dague en argent plantée dans le cœur. Un cri s'échappa de ma gorge. Je m'assis à ses côtés et regardai son visage. Il était contracté par la douleur et encore plus blafard qu'à l'ordinaire. Si pâle qu'il me semblait transparent. Il me faisait presque peur. J'étais agenouillée dans la mare de sang sombre qui s'écoulait à flot de la blessure. Ma robe en était maculée. Je me relevai en pleurant et vis qu'il y avait une lettre posée sur son cercueil. Les doigts tremblants, je l'ouvris. Sur un papier d'une douceur incroyable il était écrit :


Ma bien-aimée,
Je sais que tu seras la première à découvrir mon corps car tu es la seule qui s'intéressait un peu à moi, même si tu voulais me faire croire le contraire. Je ne prétends pas que tu m'aimais mais tu me portais un minimum d'attention. Je crois bien que tu me détestais. Est-ce pour ça que tu voulais partir ? Aussi c'est pour ça que j'ai voulu en finir avec cette vie minable que je menais. J'aurai voulu me pendre mais je n'aurai pas aimé que tu me voies sans blessure. Je voulais que tu voies le mal que tu m'as fais et que tu en souffres. Tout ce qui est à moi te revient.
Celui qui t'a aimé
Eligor.

Je froissai la lettre d'un geste rageur. Il me laissait seule face à moi-même. Sans avoir pris le soin de m'apprendre à être. J'essuyai mes larmes et me dirigeai vers la chambre où logeaient les domestiques. Je leur annonçai la voix tremblante :
- Vous êtes libres, votre maître vient de se donner la mort. Vous pouvez rejoindre vos familles si vous avez la chance qu'elles soient encore en vie ou vous pouvez rester vivre ici. Je vous laisse cette maison, j'y ai trop de mauvais souvenirs.

Elles explosèrent de joie et beaucoup décidèrent de partir. Quelques-unes restèrent et Lora vint me voir dans ma chambre lorsque j'y retournai.
- Avez-vous trouvé une chambre pour que nous puissions y vivre ?
- Un jeune homme m'en a proposé une, il faut que nous le retrouvions au coucher du soleil pour que nous visitions. Rassemblez tout ce dont vous avez besoin et venez me trouver ici lorsque vous aurez fini.
- Bien, madame.

Elle se retourna pour partir, je l'arrêtai d'une main :
- Cesse de me vouvoyer. Appelle-moi par mon prénom et j'en ferai autant pour toi.
- Merci. Sa voix tremblait à cause de l'émotion.

Je contemplai mon cercueil et mes bagages. Une boule d'angoisse me serra la gorge et me noua l'estomac. Celui qui m'avait recueillie s'était suicidé par amour. Je trouvais ça touchant mais aussi affreusement bouleversant. Je n'avais plus de guide dans ce monde et me retrouvais une fois de plus seule. Lora revint me voir avec une minuscule valise. Elle abordait un sourire éclatant :
- Je suis prête. Nous pouvons y aller si tu le souhaites.

Nous partîmes toutes les deux prendre une voiture et aller jusqu'au cœur de Londres. Je la conduisis jusqu'à la taverne où j'avais rencontré le jeune homme. Le cocher nous arrêta devant et nous descendîmes avec nos bagages. Jens était appuyé contre le mur et nous regarda approcher. La lumière de la lune éclairait étrangement son visage. Il semblait si pâle que je l'eu cru immortel mais il était bien vivant et ce fût loin de me déplaire. Le regardant droit dans les yeux, je lui demandai :
- Bonsoir, êtes-vous ici depuis longtemps ?
Il se trouve que non. Je viens juste d'arriver. Désirez vous poser vos affaires et visiter l'appartement ou boire un verre avant de monter ?
- Je préférerai monter me changer car je n'ai pas la tenue adéquate pour sortir dans Londres.
- Suivez-moi.

Sur le côté du bar, il y avait un escalier qui menait à une petite plate-forme entourée de vieilles barrières. En face, une petite porte en bois était fermée à clef. Le jeune homme mit la clef dans la serrure et elle s'ouvrit dans un grincement presque sinistre. L'intérieur était magnifique et sombre. Mon hôte s'effaça pour nous laisser entrer. Je sentais Lora qui tremblait d'excitation à côté de moi. Les mots semblaient se bousculer sur ses lèvres. Je pénétrais dans l'appartement, suivie de Lora et du jeune homme. Il me prit la main et me fit visiter l'appartement. Un contact si intime me surprit et me toucha. J'en étais presque heureuse. Je déposai nos affaires dans nos chambres respectives.

- Pouvez-vous me laisser un moment seule que je puisse me changer.
- Bien sûr. Je vous attends dans le salon.

Je fermai la porte derrière lui et m'affalai sur le lit. Il était incroyablement doux et moelleux. Cela me changera de mon cercueil dont j'avais décidé de me débarrasser. Il me rappelait trop la présence d'Eligor et je ne pouvais pas supporter de le savoir près de moi. Je regardai ma valise. Qu'allais-je donc mettre ce soir ? Tandis que je réfléchissais à ce détail, des bribes de voix me parvenaient. Celle du jeune homme et de Lora. Ils tentaient de parler à voix basse mais ma nouvelle ouïe de vampire s'affinait et me permettait de tout entendre. Le jeune homme parlait de moi. Tout en m'habillant d'une robe, j'écoutais attentivement.

- Je trouve votre amie fantastique. Elle est superbe, intelligente... Dommage que ce soit une immortelle sans ça je l'épouserais.
- Il existe un moyen pour qu'elle redevienne mortelle. Une fiole en France lui permettrait de voir la lumière du soleil. Je l'ai entendu en parler avec celui chez qui nous étions avant. - - - - J'aimerai l'aider dans sa quête mais je ne sais pas comment faire.
- Il faudrait que vous m'expliquiez en détail de cet objet.
- D'après ce que j'ai compris, il s'agirait d'une fiole contenant du sang du Diable. Elle serait en possession d'une française vivant à Paris. Il suffirait de porter ce bijou pour qu'elle puisse sortir en plein jour.

C'est à ce moment que je sortis de ma chambre. Tous les deux me parurent surpris de me voir aussi vite. Je leur demandai :
- Pouvons-nous y aller maintenant ? J'ai hâte de visiter Londres.
- Maintenant si vous le désirez.

Il planta son doux regard dans le mien. J'en fus -une fois de plus- troublée. Ce garçon me plaisait et je ne savais rien de lui. Nous sortîmes tous les trois et prîmes la direction du pont sur lequel m'avait trouvée Eligor. Une certaine émotion s'empara de moi et je dus ravaler mes larmes pour ne pas les laisser couler dans l'homme qui me plaisait. Alors que je me tenais au parapet, il me passa le bras autour des hanches. A ce moment là, je sentis Lora s'éclipser discrètement. Je ne voulais pas qu'elle se sente exclue mais je voulais être seule avec lui. Je tournai la tête dans sa direction et elle me sourit. Je lui répondis en souriant. Le jeune homme me susurra à l'oreille :

- Si vous ne voulez pas que je vous emmène dans des endroits trop chargés de souvenirs pour vous, dites-le-moi, je ferais en sorte de les éviter. Je n'aime pas voir vos beaux yeux s'embrumer à cause d'une mauvaise expérience.

Prise d'une audace dont je me crûs incapable, je posai ma tête sur son épaule et lui répondis :
- Avec vous, rien ne pourra me rendre triste. Quel est votre prénom ?
- Jens.

Un silence s'abattit sur nous. Le silence gêné des premiers rendez-vous. C'est la première fois que la présence d'un homme m'oppressait autant. J'étais anxieuse quant à la suite des événements. Allait-il me parler de l'amulette ? Allait-il me poser des questions sur mon passé en tant qu'humaine ou en tant que vampire ? C'était le seul homme à qui j'avais réellement envie de me confier. Si j'avais dévoilé à Eligor les sombres méandres de mon passé, c'est uniquement parce qu'il me faisait peur. Je ne le réalise que maintenant mais j'avais très peur de lui. Tous les vampires ont-ils peur de leur créateur ? Si tel est le cas, je nous plains tous.
Je me sentais incroyablement bien avec lui. Sa chaleur m'enveloppait comme un drap de soie, sa douceur me réconfortait et me calmait. Un sentiment de bien être s'emparait de moi et la tension semblait se dissiper un peu. Par surprise, il lâcha mes hanches, prit mes épaules et me tourna vers lui. Il me regarda droit dans les yeux, visiblement hésitant. Je le fixai avec la même intensité. Je sentais ses mains trembler sur mes bras découverts. Je fis celle qui n'avait rien remarqué.
- Je vous ramène chez vous.

Je savais tout au fond de moi que ce n'était pas cela qu'il voulait faire. Je me laissai mener comme un animal docile. Il me quitta en bas de l'escalier. Un pincement au cœur se fit sentir quand je le vis s'éloigner. Je montai rapidement les marches car la fraîcheur londonienne me faisait frissonner. Lora n'avait pas fermé la porte à clef. Supposant qu'elle dormait, j'enlevai discrètement mes chaussures sur le palier. Une voix s'éleva du salon :
Ne prends pas autant de précaution, je ne dors pas. J'ai rangé tes affaires et les miennes, j'ai aussi fait un peu de ménage.
C'est très gentil.


Chapitre 9

Je la rejoignis dans le salon. Elle était assise sur le canapé en chemise de nuit. L'appartement sentait bon le propre. Un éclair de curiosité passa dans ses magnifiques yeux verts.
- Comment cela s'est-il passé avec le beau jeune homme ?
- Jens.
- Pardon ?
- Il s'appelle Jens. Je crois que c'est la meilleure nuit que j'ai passé jusqu'à présent. À mon avis ce ne sera pas la seule en sa compagnie.

Je ne souhaitai pas en parler davantage car je voulais graver à jamais ce qui s'était passé cette nuit-là.
Je me dépêchai de lui dire au revoir et me dirigeai dans ma chambre. J'ouvris l'armoire et vis que Lora avait rangé mes affaires à l'intérieur. Je me choisis une chemise de nuit simple et légère. Je m'allongeai entre les draps frais que m'avait mit Lora. Je passai la meilleure nuit depuis un certain temps. Le soleil entamait sa descente lorsque j'ouvris enfin les yeux. Sa lumière filtrait du haut rideau de ma chambre. Ma chambre était d'un rouge assez sombre. J'étais quasiment toujours entourée des ténèbres, seule une lumière brillait tout au fond de moi. C'était Jens qui avait fait naître cette lueur d'espoir, d'amour sûrement. Le serpent noir de la mort avait traversé mon esprit et s'était infiltré en moi comme un venin malsain. Je pensais que la vie n'était qu'un quotidien remplis de trahison de mensonges et de déception. Je pensais que l'amour n'était qu'un long torrent de larmes qui ne sèche que trop rarement. Trop de souffrances vécues jusque la mais cela en valait-il vraiment la peine ? Oui. Car lorsque l'on souffre en permanence on apprend mieux a apprécier les moments les plus simples de la vie lorsqu'elle se décide enfin a nous montrer ses bons cotés maintenant que j'ai vraiment découvert l'amour, je me rend compte que la vie est plus belle lorsque quelqu'un sait nous ouvrir les yeux et le coeur. UNE personne a réussi et je lui dois ma survie. Je me rendis compte seulement maintenant à quel point je tenais à lui. Cela faisait à peine quelques heures que nous nous étions quittés et déjà je ressentais comme un vide dans mon cœur. Au-delà de la porte, j'entendais Lora qui préparait le petit déjeuner en chantonnant un air populaire et paillard. Je riais intérieurement, je me souvenais de ma jeunesse. Je n'ai jamais pris le temps de m'amuser comme tous les jeunes de mon âge.

J'étais trop occupée à aider ma mère à la maison que j'en ai perdu le goût des jeux et de la bonne musique. La plupart des jeunes que j'ai connu avaient déjà trouver l'âme sœur ou presque. Je fis un rapide calcul : bien qu'ayant toujours un corps d'adolescente de seize ans, cela faisait quatre ans maintenant que Eligor m'avait transformée. Je devrais avoir vingt ans. Quatre ans de ma vie gâchés à cause d'une bête lubie d'adolescente. Mais je ne regrettais pas de m'être laissée faire car je me suis toujours dit que jamais je ne regretterais mes choix. Je vivais maintenant les plus beaux jours de ma vie.
Croyant sûrement que je dormais encore, Lora s'approcha de ma porte à pas feutrés. Elle me trouva devant ma fenêtre, perdue dans le flot incessant de mes pensées. Elle parut surprise lorsqu'elle me vit. Elle portait une robe de servante. Elle m'apportait un plateau avec tout pour faire un honorable petit déjeuner. Elle s'assit sur le rebord du lit, là où je lui avais fait une place. Elle déposa le plateau sur mes genoux et me servit un café avec quelques viennoiseries. Je la regardai droit dans les yeux et lui dis :

- Je ne t'ai pas fait venir ici pour que tu joues le même rôle qu'avec Eligor. Je ne veux pas t'employer, je veux que nous soyons amies. Je ne te considère absolument pas comme ma servante ni comme dame de compagnie. Juste une amie.
- Si vous le souhaitez...
- Ne me vouvoies pas !
- Comme tu veux.

- Ce soir nous sortons. Je veux que tu te fasses une garde-robe digne de ce nom. Je ne pourrais pas te voir tous les jours habillée comme une servante.
- Dans ce cas, tu n'aurais pas une robe à me prêter ?
- Bien sûr. Je m'habille et en suite je te montre ce que tu pourras mettre.

Je choisis une robe bleu clair que je n'avais jamais mise auparavant. Pour moi je sortis la blanche, la première que je m'étais achetée. Nous fîmes quelques menus achats puis nous rentrâmes dans l'appartement. Lora réessaya les robes que je lui avais offertes lorsque Jens frappa timidement à la porte. J'envoyai Lora lui ouvrir tandis que je faisais quelques retouches. Elle le fit asseoir sur le canapé et lui apporta à boire. J'arrivai à mon tour. Il ouvrit de grands yeux en me voyant. Je n'avais pas une tenue plus recherchée que d'habitude et pourtant il parut surpris.

- Voulez-vous sortir ce soir ? Je souhaite vous montrer quelques peintures chez moi.
- Si nous sommes de retour avant le lever du soleil, ça me convient. Veux-tu venir avec nous, Lora ?
- Je ne voudrais certainement pas vous déranger. De plus, je suis fatiguée. Il faut que je m'habitue à un rythme décalé. Merci quand même pour la proposition.


Chapitre 10

Elle me fit un clin d'œil complice auquel je répondis par un simple sourire. Jens passa son bras autour de mes épaules. Nous partîmes ainsi comme deux adolescents. Cela me faisait étrange de me sentir jeune alors que j'étais plus vieille que lui. Je réalisai tout à coup que je ne savais toujours pas son âge. Et pourtant cela ne me troublait pas. J'aimais sa présence rassurante, son âme qui communiait avec la mienne. Je me sentais proche de lui et plus je le côtoyais, plus je me découvrais des points communs avec lui. Peut-être que nous étions semblables ? Un an s'était écoulé depuis notre premier baiser.

Aveuglée par l'amour que je lui portais, je ne vis pas que nous étions presque arrivés. Il me conduisait avec douceur ce qui avait facilité mes pensées divagantes. Il monta l'escalier avec une souplesse que je ne connaissais que chez les vampires. J'en étais venue à me demander s'il n'était pas l'un des leurs. Quelle pensée absurde ! Il ouvrit la porte et je découvris qu'il avait éclairé l'appartement avec des bougies. Cela fit naître un curieux sentiment d'excitation. Un nouveau frisson m'envahit et j'eus la confirmation de l'amour que je lui portais. J'espérais de tout mon cœur que ce fût réciproque. Presque en silence, il m'invita à m'asseoir sur le divan.

Au fur et à mesure de la nuit, il m'offrit des mets succulents tout en parlant de lui et en me posant des questions sur mon passé et sur Eligor. Il fut surpris de mon mutisme à propos de mon initiateur. Je ne lui avais pas dévoilé qu'Eligor était mort de l'amour qu'il me portait. J'avais pris soin de cacher mon visage sous un masque d'indifférence lorsque je dévoilais un peu de notre passé commun. Puis il me posa des questions sur mon enfance. Cette fois-ci, je lui dis tout ce qui s'était vraiment passé. Même ce que j'avais caché à Eligor. Notamment les attouchements de mon frère pendant mon adolescence. En évoquant ces douloureux souvenirs, je me mis à pleurer doucement sur son épaule. Il me consola en me disant que personne n'avait jamais éprouvé d'amour pour moi et que ça allait changer. Il prit entre ses mains mon visage en larmes et déposa un baiser si doux que les larmes cessèrent de couler d'elles-mêmes. Mon corps fut secoué d'un dernier sanglot, et mon esprit s'apaisa enfin. Les vieilles blessures étaient toujours douloureuses même des années après. Il se leva, me prit par la main. Je lisais une infinie tendresse dans ses yeux. Il me conduisit vers sa chambre où il s'assit et d'un geste, m'invita à faire de même. D'une voix douce et tremblante d'émotion, il me demanda :

- Voulez-vous passer la nuit avec moi ?

Je restai indécise face à cette question piège. J'optai pour l'affirmative. Il se leva et commença à défaire les draps soigneusement pliés. Une fois qu'il eût fini, je m'installai entre les draps et l'attendis. Il me regarda, je ne puis soutenir son regard et baissai les yeux. Il se coucha à côté de moi, tout près, me mit la tête sur sa poitrine. D'une main caressante, il touchait mes cheveux. Il me releva le visage et m'embrassa.

Cette nuit-là, il me fit l'amour et c'était la première fois pour moi.
Je me réveillai dès les premiers rayons du coucher de soleil. Jens dormait encore. Je ramassai mes affaires qui jonchaient le sol. Seule preuve de la folle nuit que nous venions de passer. Je me rhabillais en silence et sortis le plus discrètement de l'appartement. Je me retrouvais seule dans la froide nuit hivernale. J'arrêtais un fiacre et lui donnai l'adresse de la maison. Avec la même discrétion que j'avais quitté l'appartement de Jens, j'entrai dans le nôtre. Je pris soin de faire le moins de bruit possible. Tournant le dos au salon, je tournai doucement la clé dans la serrure afin qu'elle ne grince pas. Tout à coup, je sentis deux mains se poser sur mes épaules. Je sursautai en poussant un cri d'effroi. J'entendis la voix de flûte de Lora.

- Je ne te demande pas ce que tu as fait cette nuit car, à ta mine fatiguée, je m'en doute un peu.
- Ne me refait jamais une peur pareille ! Si je n'étais pas déjà morte, tu m'aurais tuée.
- Excuse-moi mais je croyais que tu m'avais entendue arriver. Mais peut-être que tes sens sont troublés par la présence de Jens dans ton esprit et ton cœur ?
- Effectivement. Je suppose que tu veux savoir tous les détails ?
- Tu crois que je t'ai attendue pour quoi ?

Je me mis à lui raconter l'intégralité de ce qui s'était passé. Ce dont j'avais envie en ce moment, c'était d'une oreille attentive, qui sache me comprendre. Lora était celle dont j'avais besoin. C'était la première fois que je me confiais ainsi, le cœur ouvert comme une rose baignée de soleil. Elle écoutait avec attention, sans jamais m'interrompre. Elle hochait de temps en temps la tête comme pour approuver mes commentaires. A la fin de mon récit, je lui demandai :

- Alors qu'en penses-tu ?
- Je vais peut être te dire quelque chose qui va te faire peur mais je pense que tu es amoureuse de lui et que c'est réciproque.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Je n'aurai pas dû partir de chez lui comme ça.
- S'il t'a fait l'amour comme tu le dis, je crois qu'il viendra de lui-même. Attends un peu, le temps qu'il fasse le point. Je te conseille de te replonger dans l'histoire de l'amulette, histoire de te changer les idées.
- Tu as raison. As-tu profité de mon absence pour y jeter un œil ?
- En plus d'avoir des sens hyper développés, tu lis dans les pensées ? Oui, j'en ai lu quelques passages. D'après ce que j'ai pu découvrir, la "caverne" en question pourrait se trouver dans ce qui est devenu la Forêt de Fontainebleau. Je profiterai de la journée de demain pour aller faire des recherches à la grande bibliothèque. J'y trouverai sûrement un plan de la région parisienne. Pourquoi ne pas emmener Jens avec nous ? Il semble prêt à t'aider si tu le souhaites.
- Je suppose qu'Eligor s'est donné la mort pour ne pas en dévoiler plus. Il ne voulait pas que je le quitte et pourtant je l'ai fait. Il aurait dû se douter que je ferais le contraire de ce qu'il disait. Je ne supporte pas que l'on choisisse pour moi la ligne de conduite à suivre.
Ça ne mène à rien de penser encore à lui. Il est mort et ça a fait plus d'une heureuse. Je n'aime pas me réjouir de la mort de quelqu'un mais n'oublie jamais qu'il a tué plus d'une domestique et que tu aurais pu y passer toi aussi.
- Une fois de plus, tu as raison. Je vais me plonger dans le livre qui pourrait me permettre de revoir la lumière du soleil.
Je m'éloignai de Lora et m'isolai dans ma chambre.

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Re: A la recherche de l'amulette (chapitres 6 à 10)
Posté par juji le 04/06/2005 17:53:17
coucou jaime beaucoup ton histoire dis moi kan es ce ke la suite va paraitre sur le site ??????????????????
g hate de connaitre enfin la fin
gros bisous

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