Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Irréversible


Chronique d'une horreur qui doit rester dans les mémoires...



Parce que l'homme est un animal !
Qui n'a jamais été poussé par le désir de vengeance ? IRREVERSIBLE en est une preuve horriblement magnifique. Certains vous diront que ce n'est qu'un film de psychopathe qui s'est payé un délire sur un viol. Cela est faux ! Gaspar Noe nous montre une horreur telle qu'elle est. Ce serait une connerie de rendre beau cet acte immonde. Mais il ne faut surtout pas croire que ce film ne parle QUE de viol. IRREVERSIBLE est une histoire d'amour avant tout.
L'amour de Marcus et Alex qui vivent une histoire idyllique jusqu'à ce que tout s'écroule. Parce que le temps détruit tout !
L'histoire n'est pas à raconter, elle doit se vivre inversement comme un grand coup d'extincteur dans la gueule. Mais, en vraiment très simple : c'est une histoire de vengeance, de viol et d'amour. Le tout avec la virtuosité de Noe.
Une leçon de cinéma à l'état pur. C'est en véritable maître que Noe nous fait ressortir une histoire horrible avec une structure narrative et filmique très paradoxale.
Lors d'une scène magnifique dans le métro, Monica Bellucci (Alex) raconte un livre qu'elle est en train de lire et qui raconte que le futur est déjà écrit et que la preuve est la prémonition. Ce qui nous arrive chaque jour est écrit depuis longtemps. Le titre du film veut nous dire qu'il est impossible de revenir dans le passé, que tout est irréversible. Mais dans la structure de son film, Noe montre le contraire, il expose la scène et revient à chaque fois un peu plus-tôt. Il rejoint, alors, la thèse de Bellucci car le futur est écrit avant le passé.
Nouveau paradoxe : "Le temps détruit tout" mais au début du film tout est détruit et plus on avance/recule plus tout se construit. Marcus, Alex et leur histoire. La caméra de Noe bouge dans tous les sens au départ, tellement qu'on se retrouve sans aucuns repères (lieu ou temps) et qu'on est dans un état de stress maximal en plein coeur d'une scène apocalyptique. Tout est détruit, même la manière de filmer.
Ensuite la caméra se stabilise et là : LE CHOC ! On se retrouve figé à dix centimètres de Bellucci en train de se faire violer et ça pendant neuf interminables minutes.
L'HORREUR
Le pire choc pour n'importe quel être humain possédant un minimum de conscience et d'humanité. Et c'est à ce moment qu'il ne reste qu'une chose à faire : subir.

On ne peut parler du film sans parler de sa sortie, et surtout de sa projection au festival de Cannes 2002.
24 Mai 2002. Le festival se termine le lendemain. C'est le dernier film en compétition à être présenté. La conférence de presse est électrique. Le film est annoncé depuis le début comme LE scandale de ce festival. En dehors de la projection de presse, le film n'a qu'une projection officielle contrairement aux autres qui en ont deux chacun. Et pour finir, la projection est prévue pour minuit et demi.


ATTENTION témoignage personnel :

J'ai eu la chance de pouvoir assister à cette projection tant attendue. Smoking éxigé, festival oblige. La montée des marches se fait très discrètement car l'équipe du film arrive. Ils sont tous présents : Tous les acteurs principaux et bien sûr Gaspar Noe. L'arrivée dans la salle et on sent déjà l'univers de Noe qui plane dans la salle. C'est étouffant et lourd, on ne demande qu'une chose : s'asseoir et subir. L'attente avant le film semble interminable et à la fois, on a peur que ça arrive. On ne sait pas encore ce qu'on va se prendre. On sait juste que c'est une horreur.
Les lumières s'éteignent, c'est partis,... tout est calme (pour l'instant). Noe entre dans nos tripes. Dés le départ c'est le choc, un sourd lourd et stressant, un générique inversé et enfin les principaux noms apparaissent. Le titre dans tout les sens... enfin l'image dans tout les sens. Le cadre n'existe pas.
Le silence est lourd, on vient de subir trente minutes d'enfer que je vous laisse découvrir et d'un coup le pire. Neuf minutes. Pour beaucoup neuf minutes de trop. Une vingtaine de personnes s'évanouissent et plus de 200 personnes quittent la salle. Un anglais passe derrière mon siége pour sortir en hurlant : "Criminal, criminal,..." des personnes qui restent insultent Gaspar Noe en le traitant de malade ce qui provoque des réponses provenant de l'équipe technique du film. Très vite les hurlements de Bellucci sont couverts par les cris et les sifflets de la salle. Le stress est à son paroxysme, l'équipe de sécurité de la salle a doublé en quelques minutes : le risque d'émeutes est à craindre. Le viol se termine, les sifflets aussi.
Tout se calme, la suite est un peu plus agréable à regarder mais on reste sous le choc du début. On découvre une virtuosité pure dans une scène dans le métro où on découvre un Albert Dupontel impérial dans son impro sur le problème du sexe dans le couple.
Dernier plan : une merveille cinématographique dont je ne ferais aucune description car c'est un plaisir à découvrir directement. Mais malgré cette merveille, Noe fait encore mieux dans la suite. Un effet stroboscopique qui est un nouveau et ultime choc pour le spectateur. Plus rien n'existe, on ne voit plus rien. L'écran n'est plus devant nous, il n'y a plus de film, plus d'histoire, plus de réel, plus de fiction. Tout se mélange. Ce que l'on vient de voir sort de la toile et entre en nous. L'état de stress revient. Ce que l'on vient de voir n'est pas une fiction ! C'est notre monde. Sous les flashs blancs le monde se forme.
Tout s'arrête, un titre apparaît : LE TEMPS DETRUIT TOUT.

Les lumières s'allument. La salle est mélangée entre les acclamations et les sifflets. Gaspar Noe sort de la salle et une femme lui saute dessus et lui crache au visage en hurlant au scandale. La tension est constante mais la réalité en devient apesante... Tout est pareil mais tout a changé.

Je ne condamne pas ceux qui n'aiment pas ce film. Mais il ne faut pas traiter ce film de "merde" ou de film de "p'tit fachos" (commentaire de certains journalistes).
C'est un film dur, choquant, certes ; mais incroyablement maîtrisé. C'est un chef d'oeuvre mais qui ne peut pas être vu par tout le monde. Ames sensibles s'abstenir réellement.
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