Extrait du site https://www.france-jeunes.net

J'ai choisi de vivre


Bien qu'écrire ne répare pas les actes passés... ça a l'avantage de soulager un peu notre moi intérieur. La vie est belle, elle mérite d'être vécue, quoi qu'on ai enduré. "La haine trouble la vie ; l'amour la rend harmonieuse. La haine obscurcit la vie ; l'amour la rend lumineuse. " [Martin Luther King]



Le verre tombe. Je le vois comme dans un rêve. Il se tourne encore et encore au ralenti et les images se gravent à jamais sur ma rétine. Puis c'est le choc avec le sol carrelé de la cuisine. Ma main se tend, mais c'est déjà trop tard, le voilà qui se brise en des myriades de particules. Je tombe à genoux, mes mains tentent de réparer l'impossible en cherchant les fragments dispersés sur le sol froid de la pièce. Les larmes me viennent, il ne faut pas. Mais je sais que c'était inévitable, le bruit la fera venir. La porte s'ouvre brusquement, et je sais d'avance que c'est la fin. J'avais juste voulu boire un verre d'eau, rien de plus. Enfermé dans cette cuisine à réviser, je ne cherchais qu'un peu de réconfort à cette solitude imposé, comme chacun de ces week-ends... Le mal est fait. Et la voilà m'empoignant les cheveux, me trainant jusqu'au couloir. Et les doigts s'agrippent aux morceaux de verre, s'écorchant jusqu'au sang. C'est chaud, c'est bien. A l'inverse de ce qui va suivre. Car j'ai entendu le tiroir s'ouvrir, celui qui renferme les ustensiles de cuisine. Et j'ai peur, très peur. Alors je fais des excuses à n'en plus finir, jusqu'à ce que ma voix s'entrecoupe de sanglots. Ne surtout pas pleurer. Je ne vois pas son visage, mais j'entends son sourire silencieux, cette haine qui coule dans ses veines, qui lui de me faire payer le prix de son enfance. Mais moi je ne veux pas, alors je crie une dernière fois avant la gifle qui me rendras silencieux. Le voilà enfin, ce sourire en question dessiné sur ses lèvres de monstre à l'apparence humaine. Elle m'oblige à lever la tête en tirant encore plus fort sur mes cheveux. Je hais ce visage qui m'oblige à me noyer dans son regard. Elle me dit de baisser les yeux, mais j'insiste. Je veux comprendre. Le coup arrive sans prévenir dans les côtes. Je voudrais dormir, oublier, être apaisé. Un deuxième coup suit le premier alors que je tente de me relever. M'appuyant sur mes mains pour avoir plus de forces, je tente l'impossible tout en faisant bien attention de toujours regarder le sol. Un talon écrase une de mes mains, enfonçant encore plus profondément les morceaux de verre dans ma chair. Je ne sens plus rien. Mais de façon naturelle, les larmes commencent à couler "_J'ai pas fait exprès_" dis-je dans un murmure à peine audible que je répète une deuxième fois jusqu'à ce que son pied se soulève. Elle me lâche les cheveux, et me voilà enfin debout à regarder mes pieds. Je n'ai à peine le temps d'essuyer le sang de ma main avec l'autre, que déjà un coup me frappe au visage me renversant à nouveau. Je ne saurai surement jamais ce qu'il s'est passé à ce moment précis. Mais je garderai à jamais en mémoire cette image:elle est là debout et souriante, tenant dans sa main le manche d'une louche. Elle crie, mais je ne comprends rien, juste des bribes "_... Pédale... Saloperie de chien... Enculé... _" La haine s'empare de moi et je sers les dents et les poings pour calmer mon envi de la tuer. Elle s'approche de moi, et m'attrape au cou pour me soulever. Je n'aurai jamais imaginé qu'elle puisse avoir autant de force dans une seule main, mais une chose est sûr, c'est qu'elle prenait du plaisir à me faire du mal. Je tente de résister écartant ses doigts qui m'enserrent. Elle pose l'arme de son crime, pour serrer encore plus mon cou qui n'en peut déjà plus. Elle ne crie plus, elle hurle. Et je vois son visage se déformer sous mes yeux, toute cette haine qu'elle déverse sur moi. C'est flou, le monde tourne autour de moi et je ne m'en rends même pas compte, comme si le temps s'arrêtait subitement pour moi, pour me laisser savourer chacun de ces instants qui nourrissent mes cauchemars depuis des années...

"_ Si tu ne réussi pas à mourir, je m'en chargerai moi-même... "

Et les souvenirs s'enchainent les uns derrière les autres, toujours orchestrés par ce silence de mort que je voudrais abolir, que je voudrais fuir comme s'il s'agissait de la peste... Monde cruel je te hais, mais je te hais toi aussi qui croit tout connaitre, et qui juge mes phrases comme autant de pics à la normalité... Je suis le mal personnifié, la bête que l'ont doit abattre avant qu'elle fasse du mal aux Hommes. Je ne te demande pas de l'admettre, je te l'affirme...

Et le silence se fait à nouveau, laissant place à ce qu'il reste d'un passé...


Habillé en polo©, Nike©, Jordan©, kelvin Klein© ... Qui pourrait croire que derrière cet accoutrement de gosse de riche se cache un enfant souffre-douleur ? Personne. Alors je continue mon chemin sans parler de ces interdits que de toute façon on ne veut pas entendre.

"_ T'auras jamais ton bac, t'es qu'une sous-merde, tu feras jamais rien de ta vie... _"

Sûrement. En attendant j'ai mon bac S, et j'ai dû m'orienter au dernier moment, sans avoir vraiment de choix, vu que je devais être le plus prêt possible de la maison.
"Tirez pas trop sur la laisse, j'ai du mal à manger dans ma gamelle"
De toute façon personne ne m'écoute. Peut être aurais-je dû crier ? Me plaindre... C'est bien ça, c'est à la mode de faire son Calimero. Mais je repense à ce jour à l'hôpital, après ma 3ème tentative de suicide, alors que je venais de subir un lavage d'estomac, et que son visage s'est penché sur le mien comme à son habitude, scrutant chaque trait de la chair de sa chair...

"_ Tu t'es encore raté. La prochaine fois tu feras mieux que des médicaments ! _"

Je veux hurler, mais aucuns sons ne sortent de ma bouche. J'ai pris goût à ce silence. J'ai pris goût à ces nuits, où je dévorais les livres un à un parce que le jour c'était interdit. Interdit interdit, interdit... Juste le droit de respirer et de souffrir en silence.

Me voilà sous les feux de la rampe. Si jeune, si fragile. Si ma voix ne s'entendait pas, si mes écrits finissaient brûlés, il me restait tout de même une chose... La danse.

"_ Il est doué pour son âge ! _"

Je n'en sais rien. Je m'exprime, écoutez moi.
Mais les mains veulent me serrer. On me demande si je veux en faire mon métier, et ce sont mes profs qui répondent à ma place.

"_ Il va intégrer l'opéra de Toulouse _"

Pourquoi je ne pourrai pas choisir moi-même le cours de ma vie ? Je veux pas faire danseur, vous n'avez rien compris à mes gestes, ils ne sont pas la résultante d'un don, mais la conséquence de douleurs intérieures que je tente d'extérioriser.
On me caresse les cheveux, on me pince la joue, on me félicite de mon solo ou duo, de mes performances artistiques. Moi je regarde mes géniteurs un peu plus loin qui surveille mes faits et gestes au cas où je parlerai. J'ai peur. Alors je me tais.

Un jour j'ai avoué bêtement à un prêtre que j'étais né par FIV. Il m'a pris en pitié, et j'ai regretté ce geste stupide de ma part. Mais lorsqu'il m'a dit "_ On va te laver de ce pêcher... " Je me suis juré de haïr Dieu.

"_ Tu es beau... Tu as le regard d'un ange _"

On m'a toujours dit que les anges étaient heureux. Je ne suis pas un Ange. Je suis le monstre qui a provoqué la haine de mes géniteurs à ma naissance. Pourquoi je ne suis pas une fille ? Parce que j'ai un chromosome Y. C'est la vie, et ma première fierté.

Le temps s'accélère encore et encore un peu. Les images défilent comme dans un film, et je finis par effacer les moments horribles avec ma gomme magique. Tiens je t'en donne un bout, elle ne me sert plus à rien désormais. Aujourd'hui j'ai parlé. Après tant de temps j'ai crié haut et fort ce que je ressentais.
Sans aucune peur.
Je suis enfin libre. Même si vous refusez pour l'instant que je vois mon frère et ma sœur, qui eux (heureusement) n'auront pas à souffrir de ça. Je suis leur ange-gardien, j'ai pris la place de Dieu pour les gens que j'aime, car je ne veux pas ressembler à mes procréateurs.

Toi le père toujours absent...
Toi la mère violente...
Vous qui m'achetiez mon silence avec de l'argent...

Ma vie aujourd'hui je ne la dois qu'à moi-même, et j'en suis fier. J'ai tout perdu pour tout reconstruire. Aujourd'hui enfin je souri. Je parle. Je n'ai plus peur...

Je vous aime.
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