Extrait du site https://www.france-jeunes.net |
Tu as couru pour attraper ce train... |
Petit texte court, écrit dans le train, à la mémoire des civils inconnus. |
Alors que je prenais le train, lundi, quatre jours après les attentas, je regardais par la vitre, en me demandant quelles avaient été les dernières pensées des deux cents victimes de Madrid. Je me suis demandé qui choisissait. Qui avait décidé que ce serait ce jour là, dans ce train là, à cette heure précise. Je me suis demandé comment on pouvait se lever un matin et se dire : "Puisque qu'ils ne croient pas que mon Dieu existe, puisqu'ils ne se prosternent pas à la simple évocation de son nom, je vais faire exploser un train au hasard, ça servira sûrement..." Comment peut on faire le deuil, de son père, de son ami, de son fils, quand il a été tué par un inconnu, pour une cause inconnue, quand il à été sauvagement assassiné alors que son seul crime était d'avoir pris le train ce jour là, dans cette gare là... Je me suis aussi demandé, bien sûr, comment tout cela allait finir, et vais je mourir moi aussi aujourd'hui, mon train va bientôt partir, et je regardais mes compagnons de voyages, qui, eux aussi, devait se poser des questions, mais qui comme moi cachaient leur angoisse. Alors les mots sont venus de je sais où, j'ai pris un crayon de bois que j'ai taillé avec les dents, un bout de papier froissé et j'ai écrit ces quelques lignes. Ce n'est pas du grand art, mais je les laisse intactes parce que c'est venu tout seul, les voici : Tu as couru pour attraper ce train. Jeune Brésilien exilé au pays des conquistadors. Arrachés des bras des parents qui t'adorent. Mort pour une cause dont tu ne savais rien. Dire que tu as couru pour attraper ce train. De la fenêtre tu as vu défiler des paysages. Ceux là même que tu inventais dans ton imagination d'enfant sage. Mort atroce, sombre destin, il a fallu que tu cours pour attraper ce train. Madrilène, de coeur, mort par la haine et les menteurs, Ni nos chansons Ni nos poèmes, Ne sauront alléger la peine De ceux qui n'ont pas pris ce train. Billet en poche, bagage en main Mais qu'est ce qui cloche chez le genre humain ? Sacrifiées, les âmes innocentes, faut il avoir les mains sanglantes, Défendre son combat ? J'ai une boule dans l'estomac lorsque mon propre train s'en va... |
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