Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Quand la jalousie prend le dessus...


j'ai retrouvé ça hier dans un vieux classeur de 3eme, j'avais oublié que j'avais écris ça alors je vous laisse juger !



C'était dans la nuit d'un 31 décembre ; je ne me rappelle pas exactement l'année, si ce n'est qu'elle avait été sombre et laborieuse ainsi que l'était ma vie depuis ma naissance. Je traînais avec moi cette double décennie de tristesse de la même façon que je traînais ces kilos en trop qui déformaient mon corps.

Un oncle très riche avait organisé une grande fête. Il habitait un coin isolé de la Normandie et, souhaitant réunir toute la famille, avait loué un car qui nous conduisait jusqu'à chez lui. Quarante personnes s'entassaient dans le véhicule. Il y régnait une ambiance décontractée, un peu paillarde. Des bouteilles de champagne circulaient de siège en siège. On buvait dans des gobelets ou à même le goulot. Je m'étais assise au fond du car, exaspérée par cette gaîté bruyante et vulgaire. Je ne connaissais pas tout le monde ; Cependant de là où j'étais, je reconnaissais le crâne fort et dégarni de mon père, la coiffure élégante de ma mère, le chignon cendré de ma grand-mère, quelques nuques de tantes, oncles et autres cousins. Et surtout, circulant entre les sièges, distribuant des sourires, des clins d'œil, ma petite sœur Hélène. Elle était tout le contraire de moi. J'étais petite, trapue, renfrognée et agressive. Elle était gracieuse, élancée, souriante et bien qu'elle fût de deux ans ma cadette, on l'eut cru mon aînée tant elle paraissait femme. Je la regardais passer entre les sièges avec ce gracieux déhanchement qui lui était propre, riant en renversant la tête et découvrant des dents blanches comme des amandes. Elle portait un épais collier d'or semblable aux femmes des ethnies africaines et ce bijou allongeait son cou démesurément en lui donnant un port de tête de reine. Une sourde colère, une sournoise jalousie grondait en moi. Mais soudain, une forte détonation m'arracha à ma rancœur, le car ralentit pour s'immobiliser tout à fait. Le chauffeur passa la tête par la cloison qui le séparait des passagers, "un léger accident, annonça t-il, nous repartons dans quelques minutes." Il y eut un soupir de soulagement et un de mes oncle qui avait déjà beaucoup bu, choisit ce moment pour me lancer :"hé Babeth ! Si tu bougeais tes grosses fesses pour aider le monsieur !" Le car fut secoué par un éclat de rire. Je me levai, c'en était trop ; En passant entre les sièges, je me heurtais douloureusement la hanche qui produisit l'hilarité générale. Je sentais leurs haleines lourde d'alcool, je regardais leurs faces rouges et congestionnées : je courus à l'extérieur avec de terrible efforts pour ne pas vomir.


Dehors, le paysage plat et enneigé se déroulait sous mes pieds. La nuit, d'un bleu d'argent, était exceptionnellement pur.

Ce paysage figé, comme emprisonné dans la lace, contrastait avec ma conscience en ébullition. J'aurais voulu frapper quelqu'un, souiller quelque chose. Je me suis mise à courir dans la neige vierge à larges enjambées, mais trop lourde, malhabile, je m'affaissais quelques mètres plus loin. Je jurais, sanglotait comme un enfant sur l'injustice de ma vie. Dans ma poche pesait un vieux couteau Suisse qu'on m'avait offert. J'aurais pu me trancher les veines pour abréger mes souffrances.
Hélène choisit ce moment pour venir me consoler. Elle accourait d'un pas léger, et laissait à peine des traces sur son passage. Elle me mit la main sur l'épaule en me murmurant tout bas des paroles de réconfort. Elle était belle, non, elle était splendide. La lumière de lune tombait sous son visage régulier et ses yeux noirs paraissaient incandescents. La nature était vraiment injuste de distribuer si mal ses dons de grâce. Elle trouvait toujours les mots pour m'être agréable et le seul de sa voix était une caresse. Je l'adorait et la détestait à la fois et ce sentiment sournois avait le goût amer de la bise.


Je remontais dans le car, plus légère. Un sourire inconscient flottait sur mes lèvres, le car redémarra. Ma mère me demanda : "où est ta sœur ?" et je lui répondais qu'elle avait préféré rester à coté du chauffeur, étant prise d'une légère nausée. Nous reprîmes la route.

La fête fut superbe et elle fut de loin la plus belle de ma vie. Je dansais, riait. Je pardonnais même à mon oncle sa réflexion déplacée. Il y eut un feu d'artifice à minuit. Plus personnes ne pensait à Hélène ; Je m'assis, épuisée par la danse et la joie voluptueuse qui déferlait dans mon cœur. Sur la table, il y avait un seau d'argent rempli de glace où s'enfonçait une bouteille de champagne. Un peu de mousse perlait au goulot. Je revis le corps inerte de ma sœur, enfoncée dans la glace, avec son large collier d'or qui était comme la collerette de la bouteille. Un peu de sang perlait au bord de ses lèvres.

Bonne année Hélène, dis-je tout haut avant d'éclater de rire.
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