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Dix hommes dans une barque


Dix hommes sont dans une barque, perdue au milieu de l'océan. La barque prend l'eau. La survie de la minorité nécessite la mort de la majorité.



Dix hommes sont dans une barque, perdue au milieu de l'océan. La barque prend l'eau, de manière imperceptible, mais deux des hommes, les plus intelligents et les meneurs du groupe, s'en aperçoivent. Les autres rament sans se soucier de rien.


Un des deux hommes entame la conversation avec le deuxième :
- Le bateau prend l'eau et va couler avant que nous atteignions la côte.
- C'est exact, constate le second. La ligne de flottaison est trop haute. Notre charge pondérale est trop importante pour que la fissure, sur le côté, soit au-dessus de cette ligne. Nous sommes trop nombreux.
- Il faut donc alléger le contenu de notre embarcation, dit le premier.
- C'est une solution.
- Nous ne pouvons nous séparer de nos vivres, il nous serait impossible de survivre.
- Il n'y a rien d'autre à évacuer, répond naïvement le second.
- Vous avez parfaitement compris ce que j'ai voulu insinuer, dit malicieusement le premier.
- Certes, je ne le nie point. Mais ne pouvons-nous pas colmater la brèche ?
- Si, avec notre réserve commune et unique dans cette embarcation de gomme à mâcher, mais cela signifie avoir moins de sucre et ressentir un peu la faim.
- Il y a une autre possibilité. Il reste deux rames : ramons. Nous atteindrons alors peut-être ainsi le rivage à temps.
- Ce serait renoncer à nos privilèges communs, déclare immédiatement le premier. Notre plus grande part quotidienne légitime de victuailles du fait de notre inactivité.
- C'est vrai, reconnaît le second.
- Il est donc nécessaire qu'une majorité des rameurs quitte cette embarcation pour que la fissure soit émergée et que nous puissions continuer.
- Personne ne voudra partir.
- Nous pouvons en tuer, dit simplement le premier. Nous avons tous deux une arme à feu et les autres non.
- Ils vont se rebeller, se défendre, nous maîtriser, et nous tuer, objecte le second.
- Allions-nous avec les deux autres que vous voyez là-bas. Ce sont les plus intelligents et les plus forts après nous, et chacun d'eux possède une arme blanche. À quatre, la barque ne coulera pas.
- Même à quatre nous ne réussirons pas à évincer les six autres.
- Dans ce cas, il nous faut ruser. Faisons croire à la majorité que la survie nécessite seulement la mort de deux d'entre nous. Répétons l'astuce deux fois à intervalles de temps raisonnablement étendu, ainsi nous ne serons plus que quatre. Les plus simplets ont la mémoire courte et il sera facile de les tromper, étant donné que nous sommes les chefs.
- La raison voudrait que l'on applique ce plan, dit le second. L'amour de Dieu voudrait que non.
- La raison nous commande notre survie, l'amour de Dieu non.
- Certes, alors prions.
- Prier ne nous sauvera pas, remarque le premier.
- Pas maintenant peut-être, mais en définitive, si.
- Les autres vont bientôt s'apercevoir que le bateau coule, s'inquiète le premier. Il faut s'exécuter.
- Non.
- Malgré le fait que nous soyons alliés, je peux vous tuer à cet instant et me débrouiller.
- Vous avez besoin de moi pour mener votre plan à terme. De plus, les rameurs s'inquièteront de me voir tuer par vous.
- Je vous demande donc, pour l'amour de Dieu, de vous sacrifier.
- Je n'en ai pas la moindre envie, dit simplement le second, et mon sacrifice sera inutile s'il est isolé.
- Mais si nous ne faisons rien, nous allons mourir.
- Eh bien ! nous mourrons dans l'honneur et l'intégrité.


L'eau monte. Les rameurs demandent l'aide des deux chefs. Ceux-ci posent des conditions pour l'apport de leurs efforts modérés. Mais l'urgence devient plus grande. Les rameurs demandent aux deux chefs de colmater la brèche en mettant à disposition leur réserve de gomme à mâcher. Les dominants refusent. Les rameurs s'insurgent. Les chefs ripostent.
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